Édition originale. Quatre aquatintes d'Alberto Giacometti. Tirage unique à 188 exemplaires sur vélin de Rives - celui-ci un des hors commerce, signé par René Char.Bel exemplaire, bien complet du feuillet volant imprimé mentionnant qu' "Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Retour amont, achevé d'imprimer au moment de sa maladie, n'a pu être signé par lui". Jointe une photographie signée par René Char.Le dernier livre illustré par Giacometti. Paris, Guy Lévis-Mano, [décembre] 1965. 1 vol. (190 x 250 mm) de 58 p., 1 et [3] f. En feuilles, sous couverture à rabats, emboîtage toile grise éditeur, titré au dos. Édition originale. Quatre aquatintes d'Alberto Giacometti. Tirage unique à 188 exemplaires sur vélin de Rives — celui-ci un des hors commerce, signé par René Char. Bel exemplaire, bien complet du feuillet volant imprimé mentionnant qu' "Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Retour amont, achevé d'imprimer au moment de sa maladie, n'a pu être signé par lui".
Retour amont contient quelques uns des beaux poèmes de Char de ces années soixante, dont beaucoup paraîtront - avant ou après cette édition - dans les tirages confidentiels publiés par PAB : Chérir Thouzon, Aux portes d'Aerea, Le Gaucher, Dansons aux baronnies, Lied de figuier, Faim rouge,... Tous rédigés aux Busclats, ils ont pour cadre les paysages et monts du Vaucluse. Les gravures de Giacometti, tirées par Crommelinck en négatif, furent les dernières que l'artiste composa. Familiers de la lithographie et de l'eau-forte - les premieres estampes realisees avec cette technique datent de 1946, dans le cadre des recherches pour l'illustration d'Histoire de rats de Georges Bataille -, Giacometti découvrit l'aquatinte plus tardivement et ce procédé est particulièrement adapté au souhait de René Char, « qui les trouvait ‘exactement dans l'esprit' des textes, [et qui] veilla à ce que les frères Crommelynck obtiennent au tirage un fond nettement et uniment noir et non pas d'un ‘gris délavé', comme il apparaissait aux premières épreuves [...] » (Antoine Coron, René Char, BnF,n p. 170). Ces « gravures en négatif - parmi les plus belles qu'il ait réalisées » furent en effet « ‘ses derniers mots avant qu'il ne parte conclure son destin dans son village des Grisons', selon l'expression de Char à Marcelle Mathieu ». Peu avant ce départ pour l'hôpital de Coire d'où il ne devait pas revenir, Giacommeti prévenait Char qu'il lui expédie "les quatre gravures (...) Ces quatre images se sont fixées dans ma tête, dessinées en blanc sur le fond sombre (c'est le fond qui est mordu à l'acide et pas les traits). Je ne sais pas si le résultat est bon, je n'ai en ce cas aucun jugement objectif, mais je ne peux pas ne pas te les envoyer. Si elles ne te vont pas, je vais faire autre chose, mais j'aimerais mieux avoir des gravures qui ont pour moi un rapport avec les poèmes que des gravures simplement parallèles comme on en fait généralement. Celles-ci seraient ordonnées dans une certaine suite. Devant le titre (frontispice) la montagne (la gravure avec le moins de traits que j'ai fait de ma vie), ensuite dans le livre : I - les hommes à cheval au galop (ils vont quelque part pour quelque massacre). II - l'homme dans les rochers. III - à la fin, l'homme sur le précipice qui regarde dans le vide avec le grand vide du paysage. J'ajoute une variante de l'homme dans les rochers, noire sur gris que je préfère en tant que gravure mais qui va moins bien devant un poème que le blanc sur noir" (Lettre à René Char, 26 septembre 1965). Giacometti est déjà gravement malade, mais a toujours négligé de se soigner. Les épreuves achevées, Il décide néanmoins de quitter Paris le 5 décembre, pour l'hôpital Cantonal de Coire (Canton des Grisons, dans les Alpes suisse). Une bronchite chronique transformée en pneumonie auront raison de son coeur : il décède un mois plus tard, avant d'être enterré le 15 janvier au cimetière de Borgonovo, son village natale de la vallée de Bregaglia, à une petite centaine de kilomètres de Coire, près de Saint-Moritz. Il ne pourra pas signer l'ouvrage, ni aucune épreuve des gravures. René Char, pour l'honorer, rédigera un "Célébrer Giacometti", qui sera intégré à l'édition définitive de Retour amont qui paraîtra, avec les textes seuls, l'année suivante aux Éditions Gallimard. A cette occasion, quelques poèmes auront subi des modifications, mais la structure du recueil resté identique, hormis l'ajout de ce "Célébrer Giacommetti" ; cet hommage sera repris comme texte principal du catalogue de l'exposition Giacometti à la Galerie Engelberts, à Genève, en 1967. Bel exemplaire, bien complet du feuillet volant imprimé mentionnant qu'"Alberto Giacometti est mort le 11 janvier 1966. Retour amont, achevé d'imprimer au moment de sa maladie, n'a pu être signé par lui".
Le premier livre de René Char.Exemplaire Armel Ferrand, avec envoi trois poèmes autographes. Paris, Le Rouge et le Noir, (20 février) 1928. 1 vol. (125 x 165 mm) de 63 p. et [4] f. Demi-bradel rouge à bandes, titre doré en long, tête dorée, étui bordé (reliure signée de Clara Gevaert - Claude Ribal). Édition originale. Un des 150 exemplaires sur papier vergé, seul tirage avec trois exemplaires sur Lafuma (n° 89). Envoi signé: «Pour mon ami Armel Ferrand, ces cloches de quatre saisons (sentimentales, sensuelles, lasses et sanguinaires) en sympathie toute amicale de René E. Char. Nîmes, 30 juillet 28». Montés en tête: lettre autographe signée adressée à Armel Ferrand, 1 page en 1 f. plié (100 x 135 mm) + deux poèmes manuscrits, 2 p. en 1 f. (135 x 195 mm) et 1 p. en 1 f. (160 x 160 mm).
Les manuscrits de René Char de cette époque sont rarissimes et il n'existe pas de manuscrit de ce recueil, le premier de René Char. Trente-huit poèmes y sont rassemblés, écrits entre 1925 et 1927, c'est-à-dire entre ses dix-huit et vingt ans. Sont ici présents les manuscrits autographes de trois des poèmes : “Sonatine”, daté de Marseille, 1926;“Mortatempa”, daté de Nîmes, novembre 1927 et “Parallèle du coeur”, non daté. Armel Ferrand, poète et ami de jeunesse de René Char, avait eu des intentions pour éditer une revue poétique en 1927, dans laquelle il aurait inséré des poèmes de son ami. La revue resta à l'état de projet mais le poète, depuis Nîmes où il effectue, depuis 1927 et pour dix-huit mois, son service militaire dans le régiment d'artillerie, poursuit la composition du recueil. Il termine sa mise en forme au printemps 1927; l'édition, à compte d'auteur, est assurée par une petite maison d'édition parisienne, qui publie une revue littéraire, Le Rouge et le Noir. Les volumes, imprimés sur «les presses d'Albert de Mallortie, maître-imprimeur à Roubaix», lui sont livrés fin mai, à Nîmes. L'édition est illustrée de 3 dessins à pleine page de Louis Serrières-Renoux, géomètre et momentanément artilleur à Nîmes, dans le même régiment de Char. Char en fait évidemment parvenir un exemplaire à son ami Ferrand, avec cette lettre : «Mon cher Armel, je t'envoie mes Cloches. Elles furent souvent d'amertume façonnées qu'elles sont au ventre des batailles, cette amertume même nous ne l'épuiserons jamais : nous sommes trop lâches et nous complaisons dans le mal que nous faisons égoïstement nôtre. Je souhaite de tout mon coeur qu'elles te plaisent et s'il s'en dégage un quelconque apaisement je serai comblé. A toi affectueusement. R. E. Char.» Le recueil, imprimé à 153 exemplaires seulement, est d'une grande rareté puisque René Char en détruira la quasi-totalité, désavouant cette production de jeunesse: «son titre me devint rapidement haïssable ; mais à vrai dire, derrière ce titre, c'étaient des poèmes dont je n'étais guère fier»; Char n'évoquera plus cette parution dans sa bibliographie, la faisant ensuite débuter à la parution d'Arsenal. Il n'en offrit que quelques uns, à ceux qui ont donné au jeune poète la chance de faire ses premières armes : principalement, des amis des revues régionales: Jean Gleizes (Nîmes, mai 1928), Lucien Franchi (Marseille, 1928) ; Maurice Courtois-Suffit (Nîmes, mai 1928) ; Michel Rousselot (non situé, 1928, avec le manuscrit du poème " pour une vierge ", le dernier du recueil), Julien Lanoë (non situé, juin 1928) et André Cayatte (Nîmes, mai 1928) ; une seule dédicace est connue à un poète « installé » : Jules Supervielle (Nîmes, mai 1928). Il offrira, plus tardivement, trois autres exemplaires : à Yves et Jeannette Tanguy (en 1946) ; à Paul Eluard (en 1947) et à Yves Breton (en 1951). Provenance : Bibliothèque d'Armel Ferrand (ex-libris dessiné, en regard de la citation de William Blake).
Céreste, (octobre) 1944. 2 tirages argentiques noir et blanc (11,5 x 70 mm) contrecollés sur 1 carte (130 x 160 mm). Deux tirages originaux, légendés par René Char, au milieu des habitants de Céreste. Envoi signé au verso : « À Max-Pol Fouchet, affectueusement, René Char », avec note autographe « Céreste, basse Alpes, à la Libération, Été 1944 (retour d'Alger). »
Le premier cliché présente René Char en blouson américain Field Jacket M-41 orné des galons de capitaine et d'un insigne en tissu de parachutiste de la R.A.F. en compagnie des Ginoux, le cantonnier du village et sa mère à laquelle, « craignant une perquisition, [il] demanda un jour [...] de cacher des codes et autres documents importants sous ses jupons » (René Char, Bibliothèque nationale, p. 76). Le poète l'a légendé de sa main : « ces trois-là se comprenaient... » L'autre photographie, prise le même jour et toujours à Céreste, le présente sous le même uniforme, parmi un groupe de villageois et de quelques gendarmes avec cette autre légende, toujours de sa main : « un rocher de braves gens ». La jeune fille qui porte une robe à carreaux et se tient au premier rang est Mireille Sidoine, la fille, âgée de onze ans, de Marcelle Sidoine-Pons, la « renarde » des Feuillets d'Hypnos en son poème 222. René Char vient de rentrer d'Alger, où il avait été appelé le 15 juillet par l'état-major interallié pour préparer le débarquement de Provence qu'il regagne en septembre, affecté au bureau liquidateur de la Section des atterrissages et des parachutages (Sap). Ces clichés sont pris par Irisson, le photographe ami de Char, dans le but de tourner un film documentaire sur la Sap et le maquis de Céreste qui n'aboutira pas. D'autres épreuves sont connues, Irisson en ayant tiré plusieurs autres à partir de 1945, dans des formats plus grands (100 x 170 et 120 x 180 mm), mais elles sont postérieures aux épreuves strictement d'époque, comme celles que nous présentons ici, plus petites. Ces photographies auront probablement été offertes par René Char à Max-Pol Fouchet, en même temps que son portrait dédicacé (cf. n° 74), au moment où il prépare la publication de ses Feuillets d'Hypnos dont des extraits paraîtront dans Fontaine. Char, BnF (n° 100, reproduite) ; une épreuve offerte à Adrienne Monnier, en 1949 (Vente Boisgirard, Paris, 1998, n° 66, reproduite).
Édition originale, avec quatre eaux-fortes de Braque. Exemplaire Gaston Gallimard, avec envoi, et reliure de Danielle Mitterrand. Paris, H. Matarasso, (14 avril) 1949. 1 vol. (220 x 280 mm) de 146 p. et [1] f. Maroquin vert tendre, titre doré, contreplats et gardes chèvre velours orange, couvertures et dos conservés, chemise et étui bordés (reliure signée de D. Mitterrand). Édition originale illustrée de 4 eaux-fortes, dont 1 en couleur, par Georges Braque. Un des 170 exemplaires sur vélin du Marais, signé par Braque et Char (n° 67). Envoi signé : « À Gaston Gallimard, en pensée amicale cette histoire, cette enfance autour du cœur et sous les yeux transparents. René Char ».
C'est avec Le Soleil des eaux qu'est inaugurée la particulière et importante collaboration entre René Char et Georges Braque. Le projet voit le jour peu de temps après leur rencontre lors d'une exposition de peintures et de sculptures contemporaines organisée par Christian et Yvonne Zervos au Palais des Papes en Avignon : l'idée est d'illustrer l'un des rares textes de René Char qui se prête à une mise en scène, plus cinématographique que théâtrale - et pour cause, puisque le projet fut d'abord bel et bien cinématographique. René Char rédigea le scénario d'août à octobre 1946 : il raconte l'histoire d'une communauté de pêcheurs au début du siècle, en Provence, dans le Comtat Venaissin. L'implantation d'une usine au bord de la rivière Crillone qui baigne le petit village de Saint-Laurent déclenche une révolte parmi les pêcheurs de truites et d'anguilles, confrontés à la pollution de leur rivière par les rejets de chlore de cette papeterie. Comment concilier le bonheur agreste et la technique dévastatrice ? Le lieu prévu du tournage était L'Isle-sur-la-Sorgue, où devaient être recrutés bon nombre de figurants. Ce serait, dit-il « un film dont l'ambition est de faire oublier qu'il est un film, c'est-à-dire un peu plus qu'une nourriture pour les yeux : une preuve pour le coeur », qu'il souhaite partager avec Jean Vilar, à qui il avait pensé pour tenir un des rôles et à qui il écrit le 12 décembre : « Il serait urgent que je vous voie [...] J'ai écrit le scénario et les dialogues d'un film qui sera tourné au printemps dans des conditions sérieuses. » Yvonne Zervos, directrice de la galerie des Cahiers d'art, est contactée pour financer le projet ; un contrat est signé avec la société Sifdac de Serge Sandberg en février 1947. Sans expérience de la réalisation, René Char fit appel à quatre metteurs en scène successifs, qu'il se chargerait de « superviser ». Mais face aux conditions difficiles (dont la grande grève de 1947), les financiers se retirèrent et seuls quelques plans furent tournés. Char se tourne alors vers la scène : le spectacle sera créé en 1948 par la Radiodiffusion française sur une musique de Pierre Boulez et dans une réalisation d'Alain Trutat. La rencontre avec Braque, l'année suivante, donne corps à une édition en volume et illustrée. C'est pour ce livre que le peintre inaugure le célèbre motif de l'oiseau ouvert, qu'il représente ici sur trois planches en noir et sur le frontispice en couleurs. Les quelques textes de René Char destinés à la scène seront réunis plus tard sous le titre : Trois coups sous les arbres. Bel exemplaire, de belle provenance et très bien établi par Danielle Mitterrand, qui avait appris la reliure dans l'atelier d'Henri Mercher. Provenance : Vente "Surréalisme", Binoche-Renaud-Giquello, Paris, 27 mars 2009, Claude Oterelo exp., n° 66 ; collection privée.
Avec une gravure originale justifiée et signée par Alberto Giacometti. Reliure de Pierre-Lucien Martin. Paris, GLM, (février) 1955. 1 vol. (120 x 190 mm) de 47 p., [1] et 1 f. Veau brun orné sur les plats de mosaïques de bois, contreplats et gardes de papier bois, titre doré, tête dorée, couvertures et dos conservés (reliure signée de P.-L. Martin, 1964). Édition collective, en partie originale. Un des 50 premiers exemplaires sur vélin d'Arches (n° 33), signé par René Char, avec une gravure originale justifiée et signée par Alberto Giacometti. La première collaboration entre le poète et l’artiste.
Le 3 mars 1980 le poète se rappelait pour les lecteurs du Nouvel Observateur les circonstances qui avaient présidé à la naissance d'un de ces poèmes : « Un jour, près d'une église romane, une femme (...) me racontait en pleurant la jalousie de son mari. Passant de nouveau devant cette église gracieuse et massive, un vers m'était venu, comme tombé du clocher : « Vérité aux secrètes larmes, la plus offrante des tanières. » Et le mot-porteur « 'tanière' était né d'incidents successifs. » Poèmes des deux années sera intégré avec Lettera amorosa au recueil La Parole en archipel paru en 1962. Ce recueil orné au frontispice d'une gravure d'Alberto Giacometti rappelle s'il le fallait combien Char fut le poète illustré par les peintres, combien surtout il en fut l'amateur éclairé et l'ami fidèle : « Dans le bastidon de René Char entre L'Isle-sur-Sorgue et Saumane, les murs étaient chargés de tableaux : une gravure de Picasso, une cire de Victor Brauner, une gouache de Braque, une lithographie de Vieira da Silva et de dessins de Giacometti. Devenus proches dès leur rencontre au sein du mouvement surréaliste auquel ils adhèrent l'un l'autre en 1930, ils reprendront tous deux leur indépendance. Ils restèrent cependant très liés et le poète devait le premier donner un texte sur son ami peintre dans Recherche de la base et du sommet, l'année même où pour la première fois Giacometti illustre l'un de ses livres : ces Poèmes des deux années. Selon le catalogue de l'exposition René Char à la Bibliothèque nationale (2008) le poète choisit parmi cinq gravures ces deux personnages debout, ensemble près d'un buisson. À partir de ce livre, et jusqu'à sa soudaine disparition en 1966, Giacometti collabora à deux reprises avec René Char. L'une fut l'expérience unique du manuscrit enluminé, telle que le poète l'a conçue pour plusieurs de ses amis peintres. Avec Giacometti, il calligraphia Visage nuptial, dont l'édition originale datait de 1938, et offrit cette oeuvre unique à son amie et mécène, Yvonne Zervos. L'autre et l'ultime, réunissait quatre eaux-fortes du peintre et les poèmes de Retour Amont. Giacometti, on le sait, disparut avant d'avoir pu en signer les exemplaires. Entre ces Poèmes des deux années et Retour Amont, leur amitié et leurs échanges furent constants. Giacometti offrit plusieurs oeuvres à René Char : des dessins dont le portrait de sa propre épouse et celui qu'il réalisa de Georges Braque, assis, au jour de sa mort, dans la chambre mortuaire. En écho, nombreux sont les livres que Char lui dédicaça et un texte de mai 1964 reste célèbre dans le corpus de l'oeuvre du poète : Célébrer Giacometti.
Exemplaire José Corti, avec envoi signé.Quatre eaux-fortes de Georges Braque. Paris, H. Matarasso, (14 avril) 1949. 1 vol. (283 x 225 mm) de 146 p. En feuilles, sous chemise et étui éditeur. Édition originale illustrée de 4 eaux-fortes, dont une en couleur pour la couverture, par Georges Braque. Tirage unique à 200 exemplaires, celui-ci un des 170 sur vélin pur fil du Marais (n° 137), signé par l'artiste et l'auteur. Envoi signé : «À José Corti. Ces eaux qui lui sont familières. Bien amicalement. R. Char».
C'est avec Le Soleil des eaux que s'inaugure la particulièrement importante collaboration de René Char et Georges Braque. Il a été publié peu de temps après leur rencontre lors d'une exposition de peintures et de sculptures contemporaines organisée par Christian et Yvonne Zervos au Palais des Papes en Avignon. L'un des rares textes de ce dernier où il se prête à une mise en scène, plus cinématographique que théâtrale cependant, puisque la plupart des situations se déroulent dans des cadres naturels : et pour cause, puisque le projet fut d'abord bel et bien cinématographique. René Char rédigea le scénario d'août à octobre 1946 : il raconte l'histoire d'une communauté de pêcheurs au début du siècle, en Provence, dans le Comtat Venaissin. L'implantation d'une usine au bord de la rivière Crillone qui baigne le petit village de Saint-Laurent déclenche une révolte parmi les pêcheurs de truites et d'anguilles, confrontés à la pollution de leur rivière par les rejets de chlore de cette papeterie. Comment concilier le bonheur agreste et la technique dévastatrice ? Le lieu prévu du tournage était L'Isle-sur-la-Sorgue, où devaient être recrutés bon nombre de figurants. Ce serait, dit-il « un film dont l'ambition est de faire oublier qu'il est un film, c'est-à-dire un peu plus qu'une nourriture pour les yeux : une preuve pour le coeur », qu'il souhaite partager avec Jean Vilar, à qui il avait pensé pour tenir un des rôles. Sans expérience de la réalisation, René Char fit appel à quatre metteurs en scène successifs mais, face aux conditions difficiles (dont la grande grève de 1947), les financiers se retirèrent et seuls quelques plans furent tournés. Char se tourne alors vers la scène : le spectacle sera créé en 1948 par la Radiodiffusion française sur une musique de Pierre Boulez et dans une réalisation d'Alain Trutat. La rencontre avec Braque, l'année suivante, donne corps au projet d'une édition illustrée. C'est pour ce livre que le peintre inaugure le célèbre motif de l'oiseau ouvert, qu'il a exécuté sur trois planches en noir et la planche frontispice en couleurs. Les quelques textes de René Char destinés à la scène seront réunis plus tard sous le titre : Trois coups sous les arbres. Bel exemplaire, auquel il est joint le bulletin de souscription. P. A. Benoit, Bibliographie des oeuvres de René Char, 33.
Édition originale. Un des 185 exemplaires sur papier Ingres rose. Précieux exemplaire offert à Raymond Roussel, le seul connu. Paris, Éditions Surréalistes, chez José Corti, (25 novembre) 1930. 1 vol. (185 x 235 mm) de [48] p. Broché. Édition originale. Un des 185 exemplaires sur papier Ingres rose (n° 38). Précieux exemplaire offert à Raymond Roussel, le seul connu. Envoi signé : « à Raymond Roussel », suivi de cette citation : « Il y avait un naufragé qui attirait tous les regards. Au lieu de crier : ‘Au secours, à l’aide, mon Dieu sauvez-nous !’ Il se bornait à s’accrocher à une fissure au rocher répétant avec un orgueil étrange en face d’une mort imminente : ‘qu’est-ce que je vous avais dit ? Vous voyez si j’avais raison !’ Ch. R. Maturin (Melmoth). » L’envoi est daté et signé « René Char, 4 avril 1931 ».
On connaît l’admiration passionnée de René Char et des surréalistes pour l’œuvre de Raymond Roussel. Dans son testament daté du 20 janvier 1933, quelques mois avant son suicide, ce dernier avait indiqué d’envoyer « un exemplaire de chacun de [ces] livres par la poste à Messieurs… ». Suivaient les noms et adresses de Robert Desnos, Paul Éluard, Tristan Tzara, Michel Leiris, Fernand Gregh, André Breton, Jacques-Émile Blanche, René Char, Salvador Dali, André Gide, Philippe Soupault, Louis Aragon et Edmond Jaloux, en joignant une lettre à l’adresse de ces « chers confrères » : « Songeant à la bienveillance que vous avez bien voulu manifester à mes livres, je me suis dit qu’il vous intéresserait peut-être de savoir par quel procédé très spécial j’ai écrit certains d’entre eux - procédé expliqué dans le manuscrit ci-inclus […] [Il s’agit de Comment j’ai écrit certains de mes livres] ». Artine semble être le seul livre que Char offrit à Raymond Roussel : le jeune poète n’avait publié, auparavant, que trois ouvrages : Les Cloches sur le cœur, en 1928, Arsenal, en 1929 et Le Tombeau des secrets, en avril 1930. Pour ces trois livres, aucun exemplaire n’est connu comme envoyé à Roussel, que Char, à ces dates, n’a pas encore rencontré. Sans doute grâce à l’amitié naissante avec Éluard et Breton, le rendez-vous n’aura lieu qu’au début de l’année suivante. Le poète lui offre alors Artine, son dernier livre paru, avec cette dédicace qui en appelle au chef-d’œuvre du roman noir gothique de Charles Maturin, Melmoth : ce roman-labyrinthe, construit en dédales et abîmes, renouvelle le thème faustien du pacte démoniaque et brosse avec fureur sur près de six cents pages la vie d’un « héros » possédé par le mal, pour qui le temps n’existe pas. Arrêtons-nous un instant sur cette présence, car elle est d’importance : le révérend Maturin, vicaire à Dublin, publie Melmoth ou l’Homme errant en 1820. L’ouvrage est traduit en français dès l’année suivante. Bien qu’incomplète, cette traduction d’un certain Jean Cohen marque les esprits des décennies durant. Nodier, Walter Scott, Banville, Nerval, Edgar Poe l’honorent ; Balzac, en premier, en écrit une suite, intitulée Melmoth réconcilié. « Pour lui, Melmoth a été une grande œuvre inspiratrice, à l’égal de Tristram Shandy de Sterne, des Contes d’Hoffman, des romans historiques de Scott : il est une source reparaissante, aux multiples résurgences, de l’œuvre balzacienne »(Le Yaouanc). Avant que Baudelaire ne s’en empare. Hanté par le regard insoutenable de ce « rire qui ne dort jamais », le poète évoque par deux fois, dans Les Curiosités esthétiques puis dans L’Art romantique, le « rire terrible de Melmoth », selon son expression, emblème satanique par excellence : « Aussi comme il rit, comme il rit, se comparant sans cesse aux chenilles humaines, lui si fort, si intelligent, lui pour qui une partie des lois conditionnelles de l’humanité, physiques et intellectuelles, n’existent plus ! Et ce rire est l’explosion perpétuelle de sa colère et de sa souffrance. Il est, qu’on me comprenne bien, la résultante nécessaire de sa double nature contradictoire, qui est infiniment grande relativement à l’homme, infiniment vile et basse relativement au Vrai et au Juste absolus. Melmoth est une contradiction vivante ». Insatisfait par ailleurs de la traduction, il projeta d’en donner une traduction plus conforme pour le compte des éditeurs belges Lacroix et Verboeckhoven, mais finalement ces derniers firent réaliser la traduction par Maria de Fos en 1867 - mais elle aussi toujours incomplète. C’est probablement André Breton qui signale l’existence du roman à René Char, ainsi qu’aux autres membres du groupe surréaliste. Breton, dès lors, ne lâchera plus le texte et sera à l’origine de son édition, enfin complète, en 1954 chez Jean-Jacques Pauvert. Jacqueline M.-Chadourne, la traductrice de cette version moderne, précise que les parties retranchées correspondent surtout aux passages où le romancier « donne le plus libre cours à ses assauts contre les jésuites, l’Église romaine, l’Inquisition en Espagne, les misères des couvents, le sadomasochisme monacal, bref contre toutes les perversions d’une religion, fondée selon lui, sur la souffrance et les tourments. Là, Maturin pousse aux extrêmes la dialectique de la révolte luciférienne » (note du traducteur de la première traduction intégrale en français, Phébus, 1996, p. 29). « Ce célèbre roman noir dont l’imagination frénétique atteignit un degré qui ne fut égalé que par Le Moine de Lewis […] exerça une influence énorme sur la littérature fantastique française » (Marc Loliée) et constitue « l’apogée du roman noir. Il eut une influence considérable sur la jeunesse romantique, sur Balzac qui déclarait que Melmoth était égal et par endroits supérieur au Faust de Goethe (…) André Breton en fit le plus grand cas » (Gérard Oberlé). Ce concentré couleur de nuit, que ni Sade ni Goya n’auraient reniés, fascina également Lautréamont, ainsi que le rappelle André Breton dans la préface qu’il donne en tête de l’édition Pauvert : « il n’est pas douteux que Lautréamont a pourvu Maldoror de l’âme même de Melmoth. Il s’agit bien dans les deux cas, non point du démon lui-même, mais de l’agent du démon : l’“ennemi du genre humain”. Le génie de Maturin est de s’être haussé au seul thème qui fût à la mesure des très grands moyens dont il disposait : le don des noirs à jamais les plus profonds, qui sont aussi ceux qui permettent les plus éblouissantes réserves de lumière. Il tenait l’éclairage voulu pour appeler à s’y inscrire le problème des problèmes, celui du mal ». Dans cette même préface, dont l’intérêt est aussi grand que celle rédigée en 1931 par Artaud pour la traduction du Moine, Breton précise que « la présente réédition de Melmoth, ou l’Homme errant vient combler une des plus considérables lacunes de cette information qui nous est nécessaire non seulement pour l’élucidation du problème des sources - on en a rarement vu jaillir d’aussi fécondantes - mais encore pour la fixation d’un point véritablement crucial de l’histoire des idées », celui de l’union du ciel et de l’enfer : certes, ce moment unique a été guetté par Blake et Hugo mais Maturin, lui, « n’a eu besoin que de sonder à l’origine les profondeurs du cœur ». Breton donne alors en exemple la réponse d’Immalee à son amant satanique : « Vous devez m’apprendre à souffrir et je serai bientôt préparé à entrer dans votre monde, mais j’aime mieux pleurer sur vous que sourire sur des roses ». Charles R. Maturin est accessoirement le grand-oncle d’Oscar Wilde, qui puisera dans Melmoth quelques éléments pour son Portrait de Dorian Gray, notamment celui du tableau caché dans le grenier. À sa sortie de prison, Wilde adopte d’ailleurs le pseudonyme de Sébastien Melmoth, s’identifiant au héros maudit créé par son grand-oncle par alliance. Signalons enfin que Humbert Humbert, le héros du Lolita de Vladimir Nabokov, avait baptisée sa voiture Melmoth. Roussel lui offrira l’année suivante ses Nouvelles impressions d’Afrique, avec un envoi plein de gratitude, daté de décembre 1932. C’est, là aussi, le seul exemplaire connu de Roussel envoyé à René Char. Cet envoi, du printemps précédent, est remarquablement poétique, noir et prémonitoire de la disparition de Roussel, que l’on retrouve mort dans sa chambre d’hôtel à Palerme le 14 juillet 1933. Exemplaire bien complet du prière d’insérer.
Le Caire, Librairie L.D.F., 1956. 1 vol. (140 x 190) de 18 et [1] p. Broché. Edition originale. Tirage unique à 200 exemplaires numerotes sur papier velin (n° 129 ), signé par René Char de ses initiales. Envoi signé : " à Simone Vannier, avec l'amitié des neiges que le soleil fait fleurir. R.C. 27 décembre 1957 ".
Projet de ballet, imaginé par René Char après la lecture dans un journal d'un article relatant la découverte par des explorateurs de traces de pas gigantesques dans l'Himalaya, traces attribuées à un yeti. Avec Nicolas de Staël, lui aussi sensible à la notion d'immensité quelle que soit sa forme, ils décidèrent de traduire ce simple fait en ballet, mais le projet avorta avec le désistement des musiciens à qui Staël avait proposé la mise en musique. Ce n'est qu'en 1956, un an après la mort de l'artiste, que René Char fit publier ce texte chez un éditeur du Caire et dans une collection dirigée par le poète Edmond Jabès. L'exemplaire de l'édition originale est ici offert à une proche amie qui, l'année suivante de la parution, donnera un spectacle en hommage à Char, à partir de sa pièce Claire : Simone Vannier. Qualifié de « spectacle le plus poétique de Paris » (L'Express), son René Char, Le Fer et le Blé, Claire sera donné chez Agnès Capri, aux côtés de Serge Bossac et de Jacques Monod. C'est Char lui-même qui s'occupa du montage des poèmes pour ce spectacle, crée le 11 novembre 1957 pour un mois, et qui sera prolongé jusqu'au 28 janvier 1958 devant le succès rencontré. C'est pendant cette période que le poète lui offre cet exemplaire, au moment des représentations de fin décembre. Cette plaquette ne sera imprimée qu'à 200 exemplaires numérotés.
Paris, Gallimard, (24 février) 1945. 1 vol. (185 x 230 mm) de 90 p. et [1] f. Broché. Édition originale. Un des 1 000 exemplaires sur châtaignier (n° 504). Envoi signé : « À Henriette et André Gomez [sic, pour Gomès]. Le chant finit l’exil. En toute amitié, René Char" ».
Née à Montmartre, Henriette Gomès débute son activité comme collaboratrice de Pierre Loeb, dont la galerie située alors au 2 rue des Beaux-Arts à Paris, est un lieu de rencontres et d’expositions essentiel pour les artistes d’avant-guerre. Elle y rencontre en 1937 son futur mari, André, qui est alors journaliste et technicien de radio, et l’épouse un an plus tard avant d’ouvrir, avec le soutien Loeb, son propre espace, la « Galerie Henriette » avenue Matignon, inaugurée par une exposition consacrée à Georges Rouault. Deux années durant, elle y expose Cézanne, Gromaire, Brauner, Vieira da Silva, Arpad Szenes, Pierre Charbonnier et Hartung. Mais la guerre met fin à son activité : juive, elle est contrainte de quitter Paris en mai 1940 et se réfugie à La Rochelle avec la famille de Pierre Loeb, séparée de son mari, mobilisé. Sa galerie est confisquée. Après s’être retrouvés à Nîmes, Henriette et André Gomès se réfugient à Marseille en 1941, où ils retrouvent écrivains et artistes regroupés autour d’André Breton à la villa Air-Bel, louée par le Comité américain de secours aux intellectuels, dans l’éventualité d’un départ aux États-Unis. C’est André Gomez qui photographiera Marcel Duchamp, dans un célèbre cliché, saluant le bras levé, debout à la proue d’un paquebot qui s’apprête à gagner le large. Le couple, lui, restera en France : engagés dans la Résistance, ils ont notamment plusieurs échanges avec le maquis des Basses-Alpes, comme en témoignera plusieurs fois René Char, alias capitaine Alexandre. Après la Libération, le couple retrouve un petit emplacement au 6 rue du Cirque à Paris, qu’ils remettent en état, tandis qu’André Gomès poursuit une activité de photographe professionnel. D’autres lettres de Char au couple Gomès, qu’il nomme ses « chers agneaux », témoigneront de cette période. Les amis se retrouvent à la Libération, et René Char peut enfin faire publier Seuls demeurent : le recueil témoigne des premières années d’Occupation et de so, engagement dans la résistance (1941-1943). La publication a néanmoins été envisagée par Char dès avril 1941, mais cette perspective s’estompe dès lors que s’organise le maquis : « Je ne désire pas publier dans une revue les poèmes que je t’envoie. Le recueil d’où ils sont extraits et auxquels en dépit de l’adversité je travaille, pourrait avoir pour titre Seuls demeurent. Mais je te répète qu’ils resteront longtemps inédits, aussi longtemps qu’il ne se sera pas produit quelque chose qui retournera entièrement l’innommable situation dans laquelle nous sommes plongés » (billet à Francis Curel, 1941). Seuls demeurent est terminé au printemps 1943 mais, lorsque le poète envoie à Gallimard son contrat d’’édition, il exprime le souhait que son recueil ne paraisse « qu’une fois la situation de notre pays définitivement éclaircie ». Le recueil est composé de trois moments : « L’Avant-monde », qui regroupe des poèmes en prose, écrits entre 1938 et 1943, René Char ajoutant à l’ensemble un dernier poème en 1945, « La Liberté », qu’il avait envoyé à José Corti en août 1942 ; « Le Visage nuptial », un ensemble de cinq poèmes d’amour en vers datant de l’été 1938 et du début de la guerre et enfin « Partage formel » : une série d’aphorismes écrits en 1941 et 1942 sur le rôle du poète. Le recueil sera publié en février 1945, dans un tirage des plus restreints en grand papier : seulement 13 exemplaires sur pur fil (3 hors commerce A, B et C puis 10 chiffrés en romain), suivis de 1000 exemplaires sur châtaignier. Ces premiers tirages sont aujourd’hui forts rares. Très belle provenance et envoi.
Édition originale. Un des exemplaires sur vélin Plumex.Envoi signé à Maria Casarès. Paris, Gallimard, (10 avril) 1951. 1 vol. (185 x 240 mm) de 49 p. et [3] f. Broché, chemise et étui (Devauchelle). Édition originale. Un des exemplaires sur vélin Plumex (n° 3252), celui-ci un des hors commerce. Envoi signé : « Exemplaire de Maria Casarès, avec un amitié meilleure que l’écriture. René Char ». Prière d’insérer conservé.
Important recueil de René Char, dont il donnera une version modifiée en 1963. Précieux exemplaire de la maîtresse et grand amour d'Albert Camus, Maria Casarès. Leur histoire est intensément romanesque, leur correspondance follement passionnée. Albert Camus a 30 ans, en 1944, lorsqu'il rencontre Maria Casarès, tout juste 21 ans. Il a publié L'Étranger en 1942 et dirige le journal de résistance Combat. Elle sort du Conservatoire et joue sa pièce, Le Malentendu, au théâtre des Mathurins. Leur histoire d'amour commence précisément le jour du débarquement, le 6 juin 1944. La comédienne y mettra fin, très vite, en octobre 1944, lorsque Francine est de retour à Paris, enceinte de jumeaux, Jean et Catherine. Elle reprendra cinq ans plus tard, le 6 juin 1948 : Maria se promène avec une amie boulevard Saint-Germain quand elles croisent deux hommes sur le trottoir. Le souffle soudain coupé, Maria s'arrête et se retourne : « Dans la même position, derrière moi à un pas de moi, comme le reflet dans une glace, Camus retourné sur moi, me regardait, se souvient-elle. Une hésitation, un imperceptible flottement nous tint tous les deux muets un temps dans le boulevard brusquement vide et silencieux. » Quatre ans jour pour jour après leur première nuit, leur histoire reprend son cours, clandestine. Un amour absolu qu'ils placent tous deux au-dessus de tout. « Cet abandon total d'un coeur à un autre, cette plénitude tranquille de l'âme, c'est du moins notre victoire et notre récompense », lui assure Camus en 1950 qui écrit aussi : « La vie n'a pas d'autres visages que le tien. » En quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent au moins 865 lettres, pneumatiques et autres télégrammes. À la disparition tragique de l'écrivain, le 4 janvier 1960, René Char, se rend chez Camus, dans le petit appartement qu'il a gardé rue de Chanaleilles et donc il est voisin : il prend les lettres de Maria Casarès et les lui apporte afin de protéger les proches du couple. Elle ne rencontrera Catherine Camus, la fille de l'écrivain, en 1980, qu'après la mort de Francine, sa mère. Elle lui vendra les lettres quelques années plus tard, qui seront publiées en 2017. Tout au long de ces années clandestines, René Char aura été celui qui fut le plus au contact et d'Albert Camus, et de Maria Casarès. L'un et l'autre ne cesseront d'offrir leurs livres à la comédienne - une vingtaine de tires pour chacun d'eux. Ceux de René Char sont aussi conservés dans leur grande majorité au Fonds de la Maison Maria Casarès d'Alloue, en Charente. Cet exemplaire, sur l'un des titres importants du poète, est un émouvant témoin de l'amitié constante et fidèle qui régnait entre eux. Maria Casarès a copieusement annoté l'exemplaire, qui contient de nombreux aphorismes soulignés en marge. Très bel exemplaire.
Fameuse prise de parole de Char : acte écologique avant l'heure ! Affiche illustrée Picasso. Paris, Imprimerie Union, 1966. 1 lithographie (760 x 555 mm). Impression noire et rouge sur papier d'Auvergne. Une des 45 épreuves de tête, tirées sur papier Auvergne (n° 20). Exemplaire de l'imprimeur Louis Barnier, directeur de l'imprimerie Union. René Char lui dédicace au verso : « Pour Louis Barnier, avec les remerciements et l'amitié de René Char ».
Lorsqu'il est question, en 1965, d'installer une base de lancement nucléaire sur le plateau d'Albion, non loin d'Apt et de Céreste où depuis les années de résistance il garde une forte attache, René Char n'hésite pas à organiser rapidement des manifestations contre le projet et fait éditer à 2 000 exemplaires une petite brochure (avec 60 exemplaires tirés à part et signés) dans laquelle il dénonce violemment le danger atomique. L'affiche homonyme sera imprimée l'année suivante, en février, avec un texte remanié et une illustration de Picasso. Un tirage réimposé à 45 exemplaires, sur papier Auvergne, est réalisé, imprimé par l'imprimerie Union. René Char est un familier de l'Imprimerie Union depuis Le Marteau sans maître (1934), jusqu'à la fin des années 1970. Avec Louis Broder, il y publiera La Bibliothèque est en feu (1956), avec Erwin Engelberts Lettera Amorosa (1963), avec Jean Hugues L'Effroi la joie (1969), avec Sima Se rencontrer paysage (1973), avec Lam Contre une maison sèche (1975) et De la Sainte Famille au Droit à la paresse (1976). À la suite de Louis Broder, Louis Barnier « avait sur le livre en général (...) des idées précises, d'où un classicisme - ce qu'on a pu appeler le « style Union » - qui se reconnaissait immédiatement au choix des caractères, à un certain emploi de l'italique, à l'équilibre de la composition, à la suppression de toute afféterie, de tout élément superflu. Il aimait particulièrement créer des affiches pour les musées : d'un coup d'oeil, sa ‘patte', claire et fine, était reconnaissable » (Antoine Coron, in Catalogue de la vente Bibliothèque Lucie et Louis Barnier, Imprimerie Union, Artcurial, 2005).
Premier livre de Char chez Corti.Exemplaire René Bertelé avec envoi. Paris, Éditions Surréalistes, (20 juillet) 1934. 1 vol. (140 x 190 mm) de 142 p. et [1] f. Broché. Édition originale. Un des 500 exemplaires du tirage ordinaire - après 20 exemplaires sur arches ornés d'une eau-forte de Kandinsky. Envoi signé : «à René Bertelé, très sympathiquement, R. Char».
Longtemps perçu comme un recueil fondateur de la période surréaliste de René Char, Le Marteau sans maître occupe une place plus complexe : Char s’est toujours défendu d’appartenir véritablement au mouvement, dont il ne fut qu’un « passager locataire ». Mais ce livre, publié au cœur des années 1930, marque bien une césure dans la poésie française de l’entre-deux-guerres, où l’éclat des fulgurances se conjugue à une rigueur presque ascétique. « C’est une révolte que j’ai vécue seul sans communiquer », confiera-t-il plus tard à Paul Veyne. Le titre est choisi dès 1933, lorsque Char soumet son manuscrit à Gaston Gallimard, qui refuse de le publier. Le poète se tourne alors vers José Corti, éditeur déjà engagé dans la diffusion de textes surréalistes. Celui-ci accepte de l’imprimer « aux Éditions surréalistes », dans une édition collective en partie originale qui réunit Arsenal, Artine, L’action de la justice est éteinte et, pour la première fois, les Poèmes militants. Pour la rédaction du prière d’insérer, Char sollicite successivement Paul Éluard et André Breton, avant de retenir finalement le texte de Tristan Tzara, qu'il remerciera par ces mot : « Je suis enchanté, avec toute la gravité, l’émerveillement que ce mot renferme, de vos lignes à l’infini. (…) Je ne vois d’aussi claire ceinture pour m’entourer nulle part, il ne faut pas mêler les diamants. Ainsi donc vous seul. Et j’en suis ravi et pour mon livre et pour le lecteur. » Le prière d'insérer est bien présent, ainsi que le bandeau éditeur à parution.
Oblong recto-verso (135 x 110 mm) de 3 f., pliés et une carte autographe sur Arches. Travail préparatoire de Char, à fin d'édition, pour L'Alouette , adressée à Ciska Grillet et titrée " René Char - A Ciska Grillet. L'Alouette ", avec la dédicace trois fois répétée, ainsi que d'une carte sur papier crème : " écris un peu trésor. Je deviens inquiet sans nouvelles de toi, de tout. As tu mal [souligné] ? A bas les genoux même sans prie-dieu. R. ".
René Char offrira à la même Ciska Grillet un exemplaire de l'Alouette, dédicacé. En septembre 1943, Char s'engagea dans les Forces Françaises Combattantes, au sein desquelles il est rapidement nommé responsable de la section atterrissage et parachutage des Basses-Alpes. C'est à cette époque qu'il rencontre Ciska Grillet. Il habitait alors une laison à la sortie du village de Céreste. "J'ai connu durant l'hiver de 1943, [...] dans un logis perdu des Alpes de Provence, une jeune femme qui partageait son temps entre l'aide difficile aux réfractaires et un frêle chevalet où elle se plaisait à appuyer des toiles qu'elle peignat avec amour [...]". (Recherches de la base et du sommet, in René Char, Oeuvres poétiques, Pléiade, p. 66). C'est en partie pour elle qu'il travaille à l'édition des Quatre fascinants, bestiaire comptant parmi les créatures fétiches du poète : le taureau, la truite, le serpent et l'alouette, cette dernière comme famillière des eaux de la Sorgue. Char, deux ans auparavant, préfaçait le catalogue de l'exposition de Ciska Grillet à la galerie Claude, à Paris.
Paris, Editions surréalistes, 1931. 1 vol. (283 x 227 mm) de 44 p. Broché. Édition originale. Un des 5 premiers exemplaires imprimés en vert, sur papier Vidalon à la forme (n° 4). Tirage unique à 100 exemplaires sur ce papier Vidalon – les 95 suivants sont imprimés en noir, dont au moins un exemplaire d’essai. Envoi signé : « à Pierre Unik, ‘au bout du bras du fleuve il y a la main de sable qui écrit tout ce qui passe par le fleuve’. Le rêve des fous éternels ne se lève que lorsque l’action de la justice est éteinte. Il y a toujours une place pour dormir ailleurs comme il y en a toujours une pour mourir ici. La ressemblance ne frappe que nous. Affectueusement, René Char. Buis, 22 mars 1932 ».
C’est le quatrième recueil publié par René Char (après Arsenal, Le Tombeau des secrets et Artine). Il est composé de douze poèmes (« Poème », « Sommeil fatal », « Voyageur sans tunnel », « La main de Lacenaire », « Le Fantôme de Lola Abat », « L’Artisanat », « Poètes », « L’Esprit poétique », « Les Messagers délirants de la poésie frénétique », « Les Soleils chanteurs », « L’Instituteur révoqué » et « L’Amour »), imprimé en juillet 1931 par Ducros et Colas, maîtres imprimeurs à Paris, pour le compte des Éditions surréalistes, que dirige José Corti. Dédié à André Breton, il doit son titre à une phrase incomplète extraite du texte de René Char, À Rimbaud (« L’action de la justice est éteinte là où brûle, où se tient la poésie, où s’est réchauffé quelques soirs le poète »). Le recueil sera repris, avec quelques corrections, dans Le Marteau sans maître, toujours chez Corti, en 1934. Il sera ensuite intégré au recueil Moulin premier. Précieux et rare recueil sur ce papier de tête des poésies surréalistes de Char, au plus fort de sa collaboration avec Breton et Éluard. « Char, dit Corti dans ses Souvenirs désordonnés, ne croit probablement pas beaucoup à l’inspiration ; mais, au hasard d’une rencontre, à l’aimantation des êtres et des choses. Il sait que le poète est un médium qui perçoit, sait le lieu et la prise. Quand il laboure, il pèse sur la terre ; il va toujours plus loin ; il revient sur le sillon autant de fois qu’il faut. Un manuscrit de Char est toujours la recherche de la dernière perfection. Quand on en est à l’impression, le repentir intervient : un mot, une inversion et le livre n’est pas plutôt achevé que se révèle ce qui aurait pu le parfaire. Tel poème de quelques vers n’a pas eu moins de sept ou huit états dont chacun a été définitif pendant quelques heures ou quelques jours […] ». Nous n’avons retrouvé trace que de deux exemplaires sur papier vert : celui conservé à la bibliothèque Doucet et l’exemplaire Jean Hugues puis Pierre Leroy, établi par le premier dans une reliure de Georges Leroux. L’envoi à Pierre Unik contient un extrait du poème « L’Esprit poétique », dédié à Louis Aragon. De la bibliothèque Paul Destribats (Christie’s, 2019, I - n° 313).
Paris, Gallimard, (20 janvier) 1962 1 vol. (145 x 210 mm) de 161 pp., [2] et 1 ff. Broché. Édition originale. Exemplaire non justifié. Envoi signé : « pour Marie Louise Roux, toujours Mimi, Sur la vague dorée, RC ». Piqûres en couverture.
Marie-Louise Roux (1935-2010), fille de Jean et de son épouse, Simone, n'a alors que 7 ans. Après guerre les liens de René Char avec la famille Roux ne se distendent pas. Les lettres envoyées à Simone Roux, l'épouse de Jean, en témoignent. On y apprend que René Char interviendra en 1954 pour aider leur fille, Marie-Louise, surnommée Mimi, alors âgée de 19 ans, à s'inscrire à la faculté de médecine à Paris. René Char offrira à Mimi bon nombre de livres parus dans la seconde moitié des années 50. Il lui réserve également des plaquettes à petit tirage éditées par Pierre André Benoit. Le plus souvent, ces livres sont ornés de belles dédicaces. Certaines d'entre-elles laissent deviner que l'auteur d'Éros suspendu n'était pas insensible aux charmes de la jeune Marie-Louise. Dans la seule lettre de René Char à Marie-Louise figurant dans ce catalogue, nous apprenons qui l'attendait, avec désir, sa visite aux Busclats, sa maison à l'Isle sur Sorgue. Diplômée de médecine, Marie-Louise Roux épousera à l'Isle sur Sorgue le 18 décembre 1966, Pierre-Christian Taittinger.
Un des 20 premiers sur Arches, avec envoi. Reliure de Pierre-Lucien Martin. Paris, G.L.M., (31 décembre) 1936. 1 vol. (125 x 165 mm) non paginé. Box gris, décor mosaïqué en relief aux plats et sur le dos, doublures et gardes chèvre velours, titre doré, tranches dorées sur témoins, chemise et étui bordés (reliure signée de P.-L. Martin, 1985). Édition originale. Un des 20 premiers exemplaires sur Arches, celui-ci hors commerce. Envoi signé : « à Roger Bonon avec les sentiments amicaux de René Char ».
Composé dès 1935, Char en retardera la publication pour approfondir sa réflexion et permettre à Guy Lévis Mano de l'imprimer : les échanges avec son éditeur attestent que Char supervise à distance l'élaboration de l'ouvrage, tout autant que ceux avec son assistant, Roger Bonon, lequel envoie en octobre 1936 au poète un complément d'épreuves de Moulin premier, des bulletins de souscriptions et le projet de couverture, en souhaitant le trouver « en meilleur santé » (Char vient de faire, pendant l'été, une septicémie). Paul Éluard se chargera, sur place, d'en suivre la fabrication, et son aide financière permettra à Char de venir à bout de ce nouveau livre : « Quel boulot ce menu livre m'a coûté. Rien, vraiment rien n'a été laissé au hasard...» (lettre à Gilbert Lély, 1er février 1937). Lequel est ô combien important, et l'enjeu majeur : Char acte une nouvelle poétique et rompt avec l'épisode surréaliste, dont il ne fut que le locataire temporaire qu'il décrit dans le poème « Commune présence». Le Trousseau de Moulin premier, publié en 2009 (Éd. de la Table Ronde) qui raconte la genèse du texte, est en soi son complément indispensable. Précieux exemplaire de l'artisan typographe Roger Bonon, le collaborateur de Lévis Mano. Il le rejoint en 1934, lorsque ce dernier prit la gérance de la « Librairie 79 », avenue de Ségur. Lévis Mano y disposait d'un local suffisamment vaste pour y installer une presse plus importante que dans sa propre chambre, où il réalisait jusque-là, seul, toutes ses impressions. Il fit l'acquisition l'année suivante d'une Minerve à pédale, rachetée à Nancy Cunard, qui avait cessé ses activités avec The Hours Press depuis 1931. Avec ce nouveau matériel, il réalise l'impression d'éditions plus soignées, dont celle de Moulin premier, publié grâce à l'appui financier de Paul Éluard, et avec l'aide de Roger Bonon. En septembre 1939, les deux typographes furent mobilisés et on ferma l'atelier. Bonon n'y reviendra jamais, puisqu'il disparut en mer lors la bataille de Dunkerque ; René Char lui dédiera « Éléments », un des poèmes de Seuls demeurent. Très bel exemplaire d'une touchante provenance. De la bibliothèque du docteur genevois Christos Karagevrekis, par ailleurs commanditaire de cette reliure.
Précieux exemplaire enrichi du manuscrit autographe du dernier poème du recueil, " pour une vierge ", signé et daté du 10 octobre 1927. Le poète a tout juste 20 ans. C'est l'un des plus anciens manuscrits de René Char connu ; ceux de cette époque sont rarissimes et il n'existe pas de manuscrit du recueil, les poèmes autographes ayant été dispersés par le poète et, pour certains, détruits. Paris, Le Rouge et le Noir, (20 février) 1928. 1 vol. (130 x 165 mm) de 63 p. et [4] f. Maroquin taupe, dos lisse, titre doré, tête dorée, couverture et dos conservés, étui bordé (reliure signée de Clara Gevaert, titrage de Claude Ribal). Édition originale. Illustrée de trois compositions à pleine page de Louis Serrière-Renoux. Un des 150 exemplaires sur papier vergé (n° 89) - après trois exemplaires sur Lafuma-Navarre. Envoi signé : « À Michel Rousselot, homme de sac et de corde, d’une main sûre pour qu’il colle à la balle. Son ami, René Char ». Précieux exemplaire enrichi du manuscrit autographe du dernier poème du recueil, « pour une vierge », signé et daté du 10 octobre 1927.
Le poète a tout juste vingt ans. C’est l’un des plus anciens manuscrits de René Char connu ; ceux de cette époque sont rarissimes et il n’existe pas de manuscrit du recueil, les poèmes autographes ayant été dispersés par le poète et, pour certains, détruits. Ce premier livre de l’auteur – le seul publié sous le prénom de René-Emile – regroupe des poèmes écrits en 1925 et 1927, qui contiennent pour certains des élans surréalistes. Depuis 1925, Char suit des cours de l’École de commerce de Marseille, sans réel intérêt pour la chose, et certaines de ses errances et rencontres amoureuses dans les quartiers populaires de la ville sont évoquées dans ses premiers poèmes. En 1927, il effectue son service militaire à Nîmes, dans l’artillerie, pendant dix-huit mois. C’est pendant cette période qu’il met en forme son recueil, qui publié en juin 1928, près de six mois après son impression, aux Éditions Le Rouge et le Noir, à compte d’auteur. Il en offre alors quelques exemplaires à des proches : amis de Marseille et du contingent de Nîmes, et quelques poètes locaux, ainsi qu’à Jules Supervielle, seule véritable destinataire « littéraire ». On connaît ainsi des exemplaires dédicacés à Maurice Courtois-Suffit, Jean Gleizes, Armel Ferrand, Lucien Franchi, Jules Supervielle, donc, et, bien plus tard, à Yves Breton, Yves et Jeannette Tanguy et Paul Éluard – tous envoyés tardivement. Entretemps, le poète détruira une bonne partie des cent-cinquante-trois exemplaires : « Leur titre me devint rapidement haïssable ; mais à vrai dire, derrière ce titre, c’étaient des poèmes dont je n’étais guère fier », et n’évoquera plus cette parution dans sa biblio-graphie, la faisant ensuite débuter à la parution d’Arsenal. Dans la revue éditée par la même maison d’édition, Georges Dupeyron écrira cependant en novembre 1928 : « L’auteur est un poète ; il en a l’instinct, c’est-à-dire que poussé par une sensibilité toute puissante, il essaie de construire un nouvel ordre. » Plus critique, G. Goubeyre, écrit la même année dans La Cigale uzégeoise : « Ces courts poèmes indiquent une vie intérieure qui n’arrive encore que difficilement à se concrétiser sous forme verbale. » Le poète en prend acte et publie en 1929, dans la revue mensuelle de littérature et d’art Méridiens, qui connaîtra trois livraisons et révèlera André Cayatte, plusieurs poèmes qu’il rassemblera ensuite pour former un deuxième recueil, Arsenal, qui paraît en août 1929.
Quelques traces anciennes à la première de couverture. Paris, Gallimard, (24 février) 1945 1 vol. (180 x 230 mm) de 90 p. et [1] f. Demi-percaline marron, pièce de titre, couvertures conservées (reliure des années 1950 [J. Moreau, relieur à Orléans]). Édition originale. Un des 1 000 exemplaires sur châtaignier (n° 457). Envoi signé : "À Georges Bataille, intime de l'homme abrupt dans sa prison, René Char".
Seuls demeurent est le titre le plus ancien de René Char présent dans la bibliothèque de Georges Bataille, et cette dédicace est selon toute vraisemblance la première jamais faite, à en croire l’inventaire récemment établi par les librairies du Sandre et Vignes. Il s’agit en outre de l’un des rares volumes que Bataille fera relier, en l’occurrence chez J. Moreau à Orléans, où il sera muté en juillet 1951 en sa qualité de bibliothécaire. Moins de vingt exemplaires parmi les 1 283 titres répertoriés à ce jour dans sa bibliothèque sont reliés, attestant que, comme l’écrivent les libraires cités, « les difficiles conditions d’existence de l’écrivain dans l’après-guerre sont perceptibles jusque dans la modestie des exemplaires », du point de vue de leur condition tout au moins. Car c’est à n’en pas douter parce que cet exemplaire à lui dédicacé de Seuls demeurent lui tenait tout particulièrement à cœur que Bataille l’a fait ainsi établir, dans cette modeste reliure de bibliothèque, à l’exemple de L’Œuvre du marquis de Sade d’Apollinaire, des Œuvres de 1919 à 1936 de Marx Ernst, de L’Âge d’homme de Leiris ou des Exercices de style de Queneau. Peut-être est-ce le 7 avril 1945 que Char et Bataille, se rencontrant pour la première fois, s’échangent leurs derniers livres : ce Seuls demeurent et L’Expérience intérieure que nous proposons tous deux ici. Car ce jour-là, Bataille ajoute sur l’exemplaire de Madame Edwarda que Paul Éluard, en possession d’un double, avait offert au poète le 1er novembre 1944 : « j’ai finalement à me réjouir d’avoir aujourd’hui rencontré René Char » (Dans l’atelier du poète, p. 378). Leurs relations s’approfondiront lorsqu’ils se retrouveront à Carpentras, où Bataille prendra le poste de conservateur à la bibliothèque municipale. Char lui offrira par la suite L’Héraclite d’Éphèse (1948), Le Soleil des eaux (1949), Les Quatre Fascinants (1951), À la santé du serpent (1954) et La Bibliothèque est en feu (1956).
Paris, Gallimard, (24 février) 1945. 1 vol. (185 x 240 mm) de 90 pp. et [1] f. Broché. Édition originale. Un des 1000 exemplaires sur châtaignier (n° 446). Envoi signé : "À Lucien Biton avec les remerciements d'Artine et la sympathie amicale de René Char". Bandeau éditeur conservé.
le recueil témoigne des premières années d'Occupation et de l'engagement dans la résistance de René Char (1941-1943). La publication a néanmoins été envisagée par Char dès avril 1941, mais cette perspective s'estompe à partir du moment où s'organise le maquis : « Je ne désire pas publier dans une revue les poèmes que je t'envoie. Le recueil d'où ils sont extraits et auxquels en dépit de l'adversité je travaille, pourrait avoir pour titre Seuls demeurent. Mais je te répète qu'ils resteront longtemps inédits, aussi longtemps qu'il ne se sera pas produit quelque chose qui retournera entièrement l'innommable situation dans laquelle nous sommes plongés. » (billet à Francis Curel, 1941). Seuls demeurent est terminé au printemps 1943 mais, lorsque le poète envoie à Gallimard son contrat d'édition, il exprime le souhait que son recueil ne paraisse « qu'une fois la situation de notre pays définitivement éclaircie ». Le recueil est composé de trois moments : « L'Avant-monde », qui regroupe des poèmes en prose, écrits entre 1938 et 1943. René Char ajoutera à l'ensemble un dernier poème en 1945, « La Liberté », qu'il avait envoyé à José Corti en août 1942. Suit « Le Visage nuptial », un ensemble de cinq poèmes d'amour en vers datant de l'été 1938 et du début de la guerre et enfin « Partage formel » : une série d'aphorismes écrits en 1941 et 1942 portant sur le rôle du poète. Le recueil sera publié en février 1945, dans un tirage des plus restreint en grand papier : seulement 13 exemplaires sur pur fil (trois hors commerce A, B et C puis 10 chiffrés en romain), suivis de 1000 exemplaires sur châtaignier. Ces premiers tirages sont aujourd'hui forts rares.
Édition originale. Frontispice en couleurs signé par Galpérine.Un des 155 premiers exemplaires sur Arches, avec la gouache signée par l'artiste. Exemplaire enrichi de deux frappes dactylographiées abondamment augmentées de fragments manuscrits Paris, Gallimard, (3 mai) 1985. 1 vol. (195 x 250 mm) de 37 p., [2], 1, [2] et 1 f. Broché, étui bordé. Édition originale. Frontispice en couleurs signé par Alexandre Galpérine. Tirage unique à 155 exemplaires sur Arches, celui-ci avec la gouache signée par l'artiste (n° 16). Exemplaire enrichi de deux frappes dactylographiées abondamment augmentées de fragments manuscrits, soit 2 p. en 2 f. (190 x 245 mm) : version princeps et version originale du poème "L'invitée de Montguers" (2e poème de la seconde partie des Voisinages). Ce sont les seuls manuscrits connus de ce poème.
Exemplaire enrichi de deux frappes dactylographiées abondamment augmentées de fragments manuscrits, soit 2 p. en 2 f. (190 x 245 mm) : versions princeps et originale du poème « L'invitée de Montguers » (2e poème de la seconde partie des Voisinages). Ce sont les seuls manuscrits connus de ce poème. Tout juste entré dans la Bibliothèque de la Pléiade, partageant avec Gide et Yourcenar l'honneur d'y être publié de son vivant, René Char s'empressa de rendre caduc le terme d'Oeuvres complètes en publiant deux ans après, en 1985, ces Voisinages de Van Gogh. Fasciné par la Provence, du côté de Montmajour, Arles, les Baux, Char se sentit toujours, selon ses propres mots, le voisin de van Gogh : « Ce pays au ventre de cigale nous était pleinement communiqué par une main et un poignet. De quelle fournaise et de quel paradis Vincent Van Gogh surgissait-il ? Et de quelle souffrance maîtresse tenait-il ces cailloux, ces iris, ces marais, ces étroits chemins, ces mas, ces blés, ces vignes et ce fleuve ? Sublimes dessins ! Longtemps après, ma vie serrée entre les barreaux de plusieurs malheurs me traquait dans une nature semblable ! Je la distinguais et en tentais l'échange au fond des yeux de Vincent alors que ces derniers enrichissaient de leur vérité, de leurs fleurs nouvelles, les miens, mes yeux meurtris par la neige fondante non rejouée. » Le volume est illustré en tête d'un grand frontispice en couleurs du dernier peintre avec lequel René Char collabora étroitement : Alexandre Galpérine, qui enluminera l'année suivante Le Gisant de lumière. Né en 1937, ami de Goetz et de Christine Boumeester, le peintre a rencontré René Char au début des années 1970. Après avoir réalisé une gouache pour Fontis (Manuscrits enluminés par des peintres, Paris, BnF, 1980), il donnera une version illustrée à la gouache des Quatre fascinants, et de nombreux poèmes enluminés pour son ami poète, dont la version illustrée de son dernier livre, publié quelques mois après sa mort, en mai 1988 : Éloge d'une soupçonnée. Très bel exemplaire.
Édition originale. Frontispice de Picasso. Tirage unique à 70 exemplaires. Envoi signé à Suzanne Hugon, avec une photographie légendée par Char. Paris, GLM, coll. « Repères », n° 14, (mai) 1936. 1 vol. (190 x 250 mm). En feuilles, sous couverture rouge titrée à rabats. Édition originale. Frontispice de Picasso. Tirage unique à 70 exemplaires, tous sur Normandy vellum teinté, justifié et signé par l’éditeur. Envoi signé : « à Suzanne Hugon, avec la vive sympathie et les compliments amicaux de René Char ».
« Nombreux sont les poètes à se réfugier aux éditions GLM dans la seconde moitié des années 1930. La conjoncture va en faveur de la jeune maison artisanale, qui commence à se faire remarquer pour ses interprétations typographiques : sa porte est une ouverture à la poésie et les surréalistes ne peuvent qu’en passer le seuil pour goûter l’accueil qu’on leur réserve, qu’ils ne trouvent ni chez Corti, ni chez Denoël, Hilsum, au Sans pareil, à La Belle Page ni même aux Éditions surréalistes. Mais grâce à eux, Guy Lévis Mano rencontre André Masson, Salvador Dalí, Joan Miró, Max Ernst, Pablo Picasso ou Yves Tanguy, qui lui confient des dessins originaux : celui donné par Pablo Picasso pour cette Dépendance de l’adieu est inédit, et sied et au poète et à l’éditeur. La perfection de la typographie suffit ici à la juste lecture de la page, selon le vœu de Guy Lévis Mano. À cet égard, il faut reconnaître la bonne influence que les surréalistes exercèrent sur le typographe. Car à bien y regarder, les livres des surréalistes sont dans l’ensemble les plus épurés parmi ceux édités dans les années 1930. La collection ‘Repères’, dominée par les poètes et les peintres surréalistes, figure une parfaite illustration du phénomène. On comprend alors d’autant mieux dans quelle mesure cette période de collaboration artistique a été déterminante dans le devenir des éditions GLM et des convictions du typographe qui y préside» (Sandy Rémy, L’Œuvre typographique et éditoriale de Guy Lévis Mano, 2009). La collection « Repères » sera constituée de vingt-cinq livraisons, qui s’échelonneront de juillet 1935 à août 1937. Chaque volume sera illustré d’un frontispice par un artiste différent. C’est le premier livre illustré par Picasso chez le jeune imprimeur. Suivra Les Yeux fertiles, en octobre, pour lequel l’artiste donnera un portrait d’Éluard et quatre illustrations. Dépendance de l’adieu est un texte important pour René Char, qu’il dédie à son épouse, Georgette, « qui règne sur la ruche ». L’exemplaire est enrichi d’une photographie de Man Ray : un portrait de Georgette Char, avec une note autographe au verso du poète « Georgette Char, 1934 » (épreuve gélatino argentique sur papier Kodak Bromesko (115 x 170 mm), celui que Man Ray utilisait après-guerre pour les retirages de ses photos. La collection R & B. L. conservait un manuscrit du poème – une mise au net, non datée (Sotheby’s, 26 avril 2016, n° 141).