Paris, A.G. Nizet, 1975. 15 x 23, 368 pp., broché, non coupé, bon état.
Reference : 77898
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Paris, A. G. Nizet 1974, 230x145mm, 367pages, broché. Bel exemplaire.
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P., Nizet, 1975, in-8°, 367 pp, biblio, broché, qqs soulignures stylo et surlignures stabilo, sinon bon état
15/04 SUPERBE LETTRE DAMOUR À WANDA KOSAKIEWICZ PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE : Sartre se réjouit davoir « enfin » reçu sa lettre… Il lui fait part de ses réticences vis-à-vis de « la femme lunaire » [une ancienne maîtresse Marie Ville, rencontrée à Berlin en 1934] et lui conseille de la tenir à distance.Sartre raconte ensuite ses impressions sur la soirée théâtrale de la veille…Extraits :« Jai enfin reçu aujourdhui ta charmante petite lettre et je suis bien aise de navoir pas râlé, ces jours de silence, je ne saurais plus où me fourrer à présent. Mais pourquoi as tu si peur de te fâcher avec moi ? Si ce nest pas toi qui te fâche la première, mon cher amour, nous voilà tout bien ensemble pour longtemps. Si tu savais comme au plus profond de mon cœur je me sens incapable de colère ou de rancune après toi, tu naurais plus peur de casser des glaces. Elles viennent de te vouer chacune à 7 ans de malheur, total 21 ans. Mais cest trop. A mon avis il faut tirer au contraire de cette exagération même quelque réconfort et je ne serais pas loin de penser que cela te présage quelque bonheur imminent ».Samedi soir, jai donc été au « théâtre aux Armées ». Je ne te lécrivais pas hier, parce que je suis comme toi : je tremble comme la feuille dêtre brouillé avec toi (mais moi, depuis lhistoire Gibert [Colette Gilbert, une ancienne maîtresse de Sartre], jai des raisons davoir peur). Ça nest dailleurs quun très mince petit événement. On était empilés comme des figues sèches dans un minuscule et austère foyer protestant. Au balcon les officiers, invisibles, sauf de temps à autre, les cheveux blancs du général. En tas nous autres. Pieter [autre soldat, Pieterkovski] et moi nous étions debout sur le côté, nous voyions une mer de calots. Le rideau sest levé et on a donc vu ces soldats mon dieu que cétait triste de les voir nous distraire habillés en soldats »…Mais il y avait un assez bon jazz, copié sur celui de Ray Ventura, mais avec des soldats derrière les pancartes de bois qui portent chacune une lettre du nom du Jazz. Ils ont joué deux fox et puis ils ont annoncé deux rumbas. Et comme cétait samedi soir, jour de bal nègre et que on ne mavait pas écrit depuis deux jours, le cœur ma tourné de jalousie poétique, je pensais que tu étais en train de danser la rumba avec les nègres, que tu étais dans ton monde nègre, ce mon rougeoyant et sensuel où je ne peux pas te suivre, où tu es seule. Ça métait presque insupportable dentendre ces rumbas et pourtant je les trouvais superbes… Cest que, tu sais, dordinaire je pense à toi au passé, ou dans lavenir ou dans léternel. Mais dieu soit loué, je nai pas trop le sens de la simultanéité, ça me ferait rugir comme un tigre de mimaginer que tu es à présent ici ou là. Et là, ces rumbas me la découvraient malgré moi, cette simultanéité. Cest un drôle de truc. Pour moi la jalousie cest presquexclusivement le sens de la simultanéité. Je ne suis dailleurs pas trop malheureux dêtre jaloux de toi parce quil y a quelque chose de violemment sensuel dans ma jalousie (…) Dehors cétait un charme de nuit. Je taime formidablement, mon amour, je suis tout feutré dun long désir pour ton cher petit corps, ça ne me quitte pas, je voudrais te revoir, chère petite personne, entendre ta voix et revoir un de tes visages tendres. Je ne tai jamais aimé aussi fort…
S.D. SUPERBE LETTRE À SON AMANTE PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE...Il ny avait rien de toi hier mais je suis sûr que la faute en est à la Poste... remarque Sartre qui ne sen inquiète pourtant pas. ...Il me semble que si jamais tu te tais un jour ou deux (mais surtout ne va pas te croire encouragée à le faire) ça ne me fera plus du tout pareil, parce que je tai vue plus dune fois, envoûtée et cherchant à sortir de ta petite cage de brume et ny parvenant pas [...] et jimagine, à présent, [...] quand tu nécris pas [...] pourtant tu nes pas coupée de moi. Tu sais, je suis tout riche de toi, tous ces temps, inépuisablement riche, tu es toujours avec moi, je ne te quitte pas et toi aussi mon amour, tu es mon merveilleux amour. Je voudrais pouvoir texpliquer comment toute chose de cette ville en est transformée, plus légère et moins présente. Ça fait comme un petit recul poétique dans le passé... La veille, au restaurant, il sest un peu saoulé, ...Pas beaucoup, juste un peu. Je ne saurais pas bien te dire pourquoi mais ça me faisait fort de perdre la tête en toi. Jimaginais bien que cétait le café et Pieter [le soldat Pieterkovski] qui allaient samincir jusquà la transparence et que toi tu resterais tout contre moi, lourde et opaque comme une présence. Cest arrivé : jétais seul avec toi, violemment seul. Et je pensais à tout ce que tu mavais dit au Normandie [...]. Et jai pensé que tu étais formidablement romanesque et émouvante. Jai compris aussi quil y avait à présent et pour toujours quelque chose de complètement dégelé en moi, une méfiance de vieux qui me restait encore de lhistoire avec Olga [la s?ur de Wanda dont Sartre fut amoureux] et de nos premiers rapports à toi et à moi. [...]. Et puis on est parti et Pieter ma emmené chez sa blanchisseuse ; il apportait des chocolats au gosse de la blanchisseuse, il a parlé, ils ont remercié, ça me faisait extraordinaire dêtre là, au milieu de ces gens, jétais complètement dépaysé, mais ça nétait pas déplaisant, cétait plutôt fort. [...] je voudrais tant que tu peignes [Wanda voulait être artiste-peintre], ma douce petite Wanda, jespère que le Castor [Simone de Beauvoir] ta donné ton sou. Tu me fais si fragile. Tu mas dit que jétais le seul qui ne te traitait pas aux bains froids quand tu étais nerveuse. Cest que je prends tes nervosités profondément au sérieux. [...]. Je voudrais tant être près de toi, comme lorsque tu tendors dans mes bras, pour endormir un petit moment cette angoisse [...]. Je suis un peu embêté parce que sil ny a rien tout à lheure au courrier il faudra attendre deux jours. Nous partons demain à laube, faire des exercices de tir à 20 kilomètres dici et nous, nous allons sonder. En soi ça na rien de déplaisant, je verrai du pays et jentendrai tonner des canons. Mais cest comme une absence de deux jours par rapport à toi. Je técrirai de là-bas, fût-ce sur mes genoux. Je taime passionnément…
11/01/(1940) SUPERBE LETTRE DAMOUR À WANDA KOSAKIEWICZ PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE : Extraits :…Ainsi tu es restée deux jours sans mécrire, mauvaise petite teigne. Mais ce nest pas de ça que je ten veux (au fait tu sais, je ne ten veux de rien du tout, je suis tout en idylle avec toi. Cest davoir passé un sombre petit Dimanche et de navoir pas songé tout aussitôt à me lécrire. Rappelle-toi, cétait dans nos conventions. Aussitôt que tu avais le moindre ennui tu devais men faire part. Eh, je sais bien que cétait au fond des choses qui ne se disent guère : par exemple que Paris fait sinistre le Dimanche. Mais même ça, ma douce petite lumière, il faut me lécrire, sinon comment veux-tu que je sois ta sécurité. Est ce que je ne parle pas comme il faut ?...« Je pense comme toi que la femme lunaire [Marie Ville] est une drôle de personne dans le genre du héros du Voyage au bout de la nui [premier roman de Louis-Ferdinand Céline], qui a toujours envie de sagiter et daller au bout de quelque chose, tu mas fait rire lautre jour en me disant quelle voulait être une lionne daprès guerre, mais je pense quelle ne sera rien du tout et ça vaut mieux parce que finalement cest terriblement « social » une lionne daprès-guerre, rien du tout quelle-même, ce drôle de gros personnage plein de veulerie et dénergie, de charme et de vulgarité, de bêtise sentencieuse et dune espèce dintelligence »…« Cest la première fois que je sens dune façon concrète que tu penses à moi en dehors des moments où tu mécris. Ne prends surtout pas ça comme un reproche, mon amour, cest ma faute et non la tienne, cest parce que je suis un inquiet »…« Tu mécris de charmantes petites lettres et je suis au mieux avec toi. Et puis je vais bientôt te voir, je nai plus cette accablante impression de distance que javais en décembre et qui fut à lorigine de ma crise de passionnel. Et puis peut être je vais aller ensuite à larrière du front, en Avril ou en Mai (mais ça nest pas sûr) et alors je te ferai venir tout un grand mois près de moi ou plus ou tout autant que tu pourras supporter dêtre loin de Paris. Je taime tant, mon amour. »…« Jécris les histoires pour loncle Jules. Ca sera finalement un traité de littérature, jai peur que tu naimes pas ça du tout. Tu me donneras ton avis quand je viendrai en permission et si ça ne te plait pas bien je cesserai peut-être, tu verras »…[Sartre commença la rédaction de lEtre et le Néant pendant la guerre]« Aujourdhui il fait moins quinze et nous navons plus de charbon. En ce moment le poêle est éteint mais il reste encore un peu de chaleur, mais demain quallons nous faire. Ca mamuse plutôt de voir ce qui va se passer, comment nous endurrons (sic) ça, ainsi pris au pied du mur»…