[DELACROIX (Eugène)]. MOREAU (Adolphe). E. DELACROIX ET SON ŒUVRE. Avec des gravures en fac-similé des planches originales les plus rares. Paris, Librairie des bibliophiles, 1873. Maroquin vert, dos à cinq nerfs, titre doré, tête dorée, roulette sur les contreplats [R. Petit]. Dimensions des feuillets : 24 x 16 cm. Bel exemplaire sur grand papier, relié en maroquin par Petit, condition rare pour ce livre important, l’un des premiers consacrés à l'œuvre de Delacroix. Un des 30 exemplaires sur papier Whatman, avant 270 sur vélin, numéroté à la main. Selon la justification, seuls 200 exemplaires avaient été mis en vente.
VIGNY (Alfred de) (1797-1863). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À LYDIA. [Pau, décembre 1824], huit pages sur deux bifeuillets, 12,2 × 9,7 cm — bords irréguliers —, deux feuillets joints avec notes autographes de Lydia et Alfred de Vigny. Première lettre conservée de Vigny à sa future épouse, accompagnée de très émouvantes notes du poète écrites à la mort de cette dernière. « Ne nous affligeons plus, chère Lydia, je vais tenter un nouvel effort pour mon bonheur ; après tant d'obstacles surmontés je ne serai pas arrêté au moment d'obtenir votre main[,] ce que je désire le plus au monde. Je vais écrire à ma mère, mais comme elle n'a pas le même cœur que moi pour vous, je ne lui dirai pas la dureté avec laquelle Mr votre père a refusé un mot d'écrit qui attestât la part que vous auriez à son héritage. Vous avez vu aussi qu'elle ignore que vous n'avez aucun revenu actuel. — Il faut éviter de le lui faire savoir et que j'obtienne son consentement qu'elle a fait légaliser par devant notaire comme elle me l'a dit. Envoyez-moi donc comme nous avons dit la lettre que vous venez de recevoir je mettrai vos nègres en avant comme je pourrai. — Il faudrait traduire seulement les lignes qui vous regardent, et dire si la moitié de ces pauvres noirs qui travaillent tant est à votre frère. — Je ne dirai pas cela par exemple. Ensuite, chère amie, écrivez ce que nous avons dit sur le nom de l'homme d'affaires qui a entre les mains le papier où votre père vous fixe un héritage. J'enverrai tout cela à ma mère ; j'en ferai quelque chose de bien beau et j'espère que j'aurai en échange son consentement. Adieu, chère amie, je je [sic] vous en prie dites à Mme Bunbury qu'elle soit bien aimable comme avant-hier et qu'elle ne boude pas, car certainement c'est à nous de pleurer, de nous fâcher, de crier et de frapper du pied par terre, nous que tout le monde querelle de tous les côtés ; mais elle qui n'a plus rien à faire qu'à mettre des fleurs sur sa tête, à donner des bals et se moquer de nous deux, elle serait bien bonne de se fâcher. La tristesse est faite pour ceux qui s'aiment et que l'on veut séparer, pour elle, n'est-elle pas entourée de tout ce qu'elle aime ? Et si je lui suis devenu odieux, qu'elle supporte encore quelque tems ma présence, bientôt, quelque chose qui arrive elle ne me verra plus, nous partirons ensemble je l'espère encore chère amie et je suis toujours votre Alfred. Vraiment lorsque je viens à penser que Mr Bunbury avec un trait de plume qui n'est rien pour moi et tout pour sa fille pourrait tout terminer, je ne puis m'empêcher de sentir que si j'étais père je n'agirais pas ainsi, que d'inquiétudes encore, que de tourmens il va nous causer ! Est-ce pour moi que ma mère lui demandait quelque chose ? Vous le savez ? Elle est de son avis. » À cette lettre se trouvent joints deux documents particulièrement émouvants : — Un feuillet sur lequel la destinataire de cette lettre a écrit « Déc 24 », date probable de réception de la missive. — Un feuillet sur lequel le poète a écrit, sur un côté : « Janvier 1863 — — Douces reliques. Ma Lydia avait en secret conservé dans son nécessaire le plus cher pour elle de mes premiers billets en 1825 [sic] à Pau, celui par lequel je la priai à l'aider à cacher à ma mère qu'elle était dépouillée de sa fortune par sa belle-mère et que je l'aimais pour elle-même et sans rien attendre de sa fortune arrachée par ruse. » De l'autre côté : « 22 janvier 1863 Secrets et tendres souvenirs du cœur de Lydia. Laissés dans son nécessaire de voyage et retrouvés par moi. A de V[ign]y » Vigny mourra cette même année 1863. Le consentement sous réserves de Madame de Vigny pour le mariage de son fils est daté du 27 décembre 1824. Provenance : archives Sangnier (cachets). Lettre publiée dans Correspondance d'Alfred de Vigny, tome 1, sous la direction de Madeleine Ambrière, Presses universitaires de France, 1989, lettre 24-31, pages 188-189.
JARRY (Alfred). VISIONS ACTUELLES ET FUTURES. Collège de Pataphysique [sic pour l’absence d’apostrophe], 8 Tatane LXXVII E.P. [21 juillet 1950.] En feuilles sous couverture rempliée, 19,5 x 13,5 cm. Un des 13 exemplaires optimatiques annoncés, sur Crèvecœur. Édition originale de ce texte de Jarry paru dans l’Art littéraire alors que l’auteur n’avait que vingt ans. C’est l’une des toutes premières publications du Collège de ’Pataphysique, s’ouvrant sur des prolègomènes de Sa Magnificence le Vice-Curateur-Fondateur. La justification n’annonce que 90 exemplaires. Bien complet de l’illustration mathématico-génitale, qui semble du reste ne jamais manquer.
JARRY (Alfred). VISIONS ACTUELLES ET FUTURES. Collège de Pataphysique (sans apostrophe), LXXVII E.P. Prolégomènes de Sa Magnificence le Vice-Curateur Fondateur du Collège de Pataphysique. En feuilles sous couverture rempliée, 19 × 12,8 cm. [4]-32-[8] pages. Édition originale de ce texte de Jarry, d’abord paru en mai 1894 dans l’Art littéraire. Il s’agit de l’une des premières publications du Collège de ’Pataphysique, et l’une des plus importantes. Exemplaire numéro 1, « sur authentique papier de boucherie avec la facture d’origine insérée dans le brochage ». La facture, établie à « M Collège Patafisique » par R. Perrot, Succr (7, Cité Berryer, 25, rue Royale et 24, rue Boissy d’Anglas, téléphone Anjou 04-54), datée du 2 juillet 1950, détaille les achats suivants : une côte de porc pour 70 francs, quatre feuilles de papier à viande pour 3,75 francs, total de 73,75 francs arrondi à 74 francs (sic). Un des cahiers (pages [17] à 24) est maculé de rouge. Il ne s’agit vraisemblablement pas de sang de porc, mais d’une matière destinée à en donner l’illusion. Comme elle se trouve également sur les pages à l’intérieur de ce cahier non coupé, sa présence remonte aux origines de cet exemplaire unique, et en constitue une singularité pittoresque (et reflétant l’esprit des fondateurs du Collège de ’Pataphysique), non un défaut.
[Curiosa] [Alméry LOBEL-RICHE (1877-1950)] Gustave COQUIOT (1865-1926). POUPÉES DE PARIS. BIBELOTS DE LUXE. Composition et gravure originale de Lobel-Riche. Librairie de la collection des Dix. A. Romagnol, éditeur. 85, rue de Seine, Paris. 1912. Broché sous couverture rempliée, chemise et étui. Dimensions des feuillets : 31 × 23 cm. Une des meilleures illustrations de Lobel-Riche. Elle comprend quarante eaux-fortes, dont trente-huit à pleine page, représentant la vie de Parisiennes de mœurs légères. Exemplaire nominatif sur Japon, comportant une suite en noir (sur vélin) avec remarques. Sur un feuillet liminaire, après « Exemplaire imprimé pour », l’éditeur a écrit : « Monsieur et Madame / G. C[…] / souvenir amical / de l’éditeur / Romagnol ». Couverture manipulée et inégalement fatiguée, avec petites taches sur le premier plat, marque de pliure sur le même plat, dos avec petits manques en tête et queue à la jonction avec les plats, second plat inégalement insolé, toile de la chemise légèrement effilochée, fente à l’étui. Très bel état intérieur.
[Alphonse de LAMARTINE]. MÉDITATIONS POÉTIQUES. Paris, Au dépôt de la librairie grecque-latine-allemande, 1820. Demi-veau bleu à petits coins, titre sur un papier contrecollé sur le plat supérieur [Alix]. Plats de la couverture conservés. Édition originale, parue sans nom d’auteur, de ce recueil capital dans l’histoire de la poésie française, et du Romantisme en particulier. C’est là que paraît pour la première fois « le Lac ». L’exemplaire comporte bien les pages 11-12 en premier état ; la table comme le carton corrigeant l’erreur se trouvent toutefois reliés à la fin du volume : selon toute vraisemblance, cette table et ce carton ont été reliés à la suite d’un exemplaire de premier tirage. (Voir Vicaire pour les détails, référence ci-dessous.) Collation : premier plat de la couverture, 1 feuillet blanc, 1 feuillet (faux-titre au recto, nom de l’imprimeur au verso), 1 feuillet (titre au recto, verso blanc), 1 feuillet (avertissement de l’éditeur, verso chiffré « vj »), pages [1]-118 (les pages [117] et 118 formant la table), 1 feuillet (pages 11-12, en deuxième état : la page 11 commence par « — Ni si haut » et la page 12 se termine par « J’immole avec amour ma propre volonté »), second plat de la couverture. Ex-libris de Robert et Jeanne Percheron. Vicaire, IV, 949-952 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k220581j/f477).
Amos TUTUOLA (1920-1997). L’IVROGNE DANS LA BROUSSE. Traduit de l’anglais par Raymond Queneau. Gallimard, 1953, collection « Du monde entier », CXXXIII. Broché, non coupé, 18,7 × 12 cm. Collation : 1 feuillet blanc, 1 feuillet (faux-titre, verso blanc), 1 feuillet (recto : titre ; verso : justification de tirage), 1 feuillet (note du traducteur, verso blanc), pages 9-[198], 1 feuillet (achevé d’imprimer, verso blanc). Édition originale française, traduction de Raymond Queneau. Un des 86 exemplaires sur vélin pur fil des Papeteries Lafuma-Navarre, seul grand papier annoncé. Dos légèrement bruni ou piqué, légères traces de manipulations dans la marge du second plat. Tranche de tête empoussiérée. Bel exemplaire toutefois.
Anatole FRANCE (1844-1924). MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ [LE LIVRE DES BALLADES]. Maroquin brun, encadrement sur les plats de quadruple filet avec motifs d’arabesques dorées aux angles, dos à nerfs orné, doublures de soie havane avec encadrement de maroquin brun à dentelle [Mercier, successeur de Cuzin]. Dimensions de la reliure (les feuillets sont de dimensions inégales) : 23,8 × 19,3 cm. Très bel ensemble de copies manuscrites de poèmes, de la main d’Anatole France, pour le Livre des ballades, anthologie publiée par Lemerre en 1876. Notre volume contient certains des poèmes les plus célèbres de Froissart, Eustache Deschamps, François Villon, Christine de Pisan, Alain Chartier, Charles d’Orléans… Envoi à Louis Barthou sur un feuillet de garde : « Ces ballades, mon cher Barthou, ont été copiées par moi pour le livre des Ballades, publié par A. Lemerre. Il se trouve au verso de quelques feuillets plusieurs lignes de la main de ma mère. Anatole France Paris, le 7 juillet 1907. » Les feuillets sont montés sur onglets et numérotés de 25 à 92 bis, avec manques dans la numérotation (66, 73, 74, 75, 88, 89, 91, 92) mais avec des feuillets numérotés 33 bis, 33 ter, 39 bis, 39 ter, 70 bis, 71 bis, 72 bis, 91 bis et 92 bis). Collation précise sur demande. Provenance : Louis Barthou (envoi ; II, 1042, ex-libris).
RIMBAUD (Arthur). ŒUVRES COMPLÈTES. Première édition intégrale, avec introduction et notes bibliographiques par Pascal Pia. The Halcyon Press, A.A.M. Stols, éditeur, 1931. Toile bouton d’or [Reliure S. Tiessen], deux plats de couverture et dos conservés [le second plat légèrement rogné, car non séparé du dos], 28,5 × 20 cm. Un des 100 exemplaires sur papier de Hollande, très bien conservé. La justification annonce également 21 exemplaires sur Japon, dont un contenant les croquis originaux du portrait, et 250 sur vergé, outre quelques hors commerce. Très belle réalisation de Stols, avec une typographie en rouge et noir, peu courante même en tirage ordinaire. Notes érudites et véhémente introduction de Pascal Pia, qui n’avait pas vingt-huit ans. En frontispice, un portrait gravé de Rimbaud, par John Buckland Wright. Goudemare, la Bande à Bonnel, 59 (exemplaire du tirage courant).
Benjamin CONSTANT (1767-1830). WALLSTEIN, tragédie en cinq actes et en vers, précédée de quelques réflexions sur le théâtre allemand, et suivie de notes historiques, par Benjamin Constant de Rebecque. À Genève, chez J. J. Paschoud, Imprimeur-Libraire, 1809. Broché, couverture muette, pièce de titre imprimée contrecollée sur le dos. 21,8 × 14,2 cm. 1 feuillet (faux-titre), 1 feuillet (titre), pages [v]-lij (préface, « Réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand »), 214 pages (le « 5 » de la page 50 à l’envers, la page 213 mal chiffrée 113), 1 feuillet (errata). Chemise, étui. Édition originale de cette adaptation française du Wallenstein de Schiller. « La pièce et l’importante préface de 48 pages inspirée par les familiers du château de Coppet ont valeur de manifeste. Benjamin Constant devance les théoriciens du drame romantique français ; sa préface hardie prône un renouvellement profond de l’écriture dramatique. » (Bibliothèque littéraire Albert-Louis Natural, Benoît Forgeot expert, Pierre Bergé & Associés, 7-8 décembre 2009, lot 162, vendu 6600 € plus les frais.) Rare envoi de l’auteur sur le faux-titre, à sa cousine (née Saussure) : « A Madame de Corcelles ». Billet autographe signé monté (scotch, trace de trombone) en tête du recueil. Très agréable exemplaire, non rogné. Petite rousseur assez prononcée dans la marge supérieure des pages 87-91. Petite déchirure marginale aux pages 199-200, sans atteinte au texte. Ex-libris Albert Natural (voir référence de vente ci-dessus). Bibliographie : — COURTNEY (C. P.), A bibliography of editions of the writings of Benjamin Constant to 1883, n° 9a. — ESCOFFIER (Maurice), le Mouvement romantique (1788-1850), n° 186.
MENDÈS (Catulle). SIX LETTRES AUTOGRAPHES SIGNÉES À L’ÉDITEUR DE MUSIQUE HENRI HEUGEL. Dimensions diverses. Extraits : 18 février 1904. « Hélas ! Oui, mon ami. Notre rêve est évanoui. Il faut donc nous en tenir à la stricte nécessité. Je viens donc d’écrire à Paderewski que Çakountala est à sa disposition. » 1er mai 1904. « Vous devez savoir que j’ai fait entendre mon petit ouvrage à notre excellent ami. Il a paru extrêmement content. Le manuscrit est entre ses mains. Et voilà une affaire close. » 4 novembre 1904. « Mon seul chagrin, c’est que Massenet ne puisse pas me faire encore connaître quelques pages du moins d’une œuvre que je pressens si tendre, si forte, et si haute. » [9 juillet 1906] (cachet). « Messager, — ne nous le dissimulons pas, admirable technicien, est à l’heure actuelle une fauvette artificielle, un peu usée, — qu’il faut un gosier vigoureux pour chanter Pierre ! — Malgré moi, et malgré les objections, je ne peux m’empêcher de resonger à [Xavier] Leroux. Carré lui a parlé […] Leroux, tout feu tout flamme, sans connaître un mot du poème, ne demande qu’à l’emporter à la mer, où il part demain. — Voulez-vous me faire le plaisir de me réserver une minute ce matin ? Vous déciderez. » Sans date. « J’ai fini, entièrement, Scarron. Mais, de grâce, ne le dites à personne, pas même à vous. Je vous expliquerai pourquoi. Dès mon retour, demain ou après-demain, je commence le scenario de le Pays du Tendre. Déjà beaucoup d’idées m’ont traversé l’esprit, assez vives et joliettes. » Sans date. « Samedi, cinq heures, Ménestrel, c’est entendu. — J’ai ici le premier tableau, assez long, fini, parachevé, et chic ».
BAUDELAIRE (Charles). DE QUELQUES PRÉJUGÉS CONTEMPORAINS. Une page au recto d’un feuillet, 27,5 × 22,3 cm. Sans date [ca. 1850]. Brouillon autographe, d’un format remarquablement grand, d’un projet de texte évoquant plusieurs figures capitales et sujets de première importance dans l’œuvre de Baudelaire. Les brouillons de Baudelaire sont rares en mains privées. Ils fournissent l’aperçu le plus direct de sa façon de travailler. Ce projet de texte, avant-goût de Mon cœur mis à nu et de Fusées, mêle les intérêts littéraires du poète à la forme pamphlétaire qu’il emploie à la fin de sa vie. Il constitue un condensé allusif de la pensée de Baudelaire. Transcription (ATTENTION : dans cette notice, du fait du formatage des notices sur le site, les caractères barrés n'apparaissent pas comme tels dans la transcription ; se référer aux photos pour cela) : De la Poes [Centré] De quelques préjugés contemporains De M. de Béranger — poete — et patriote Qu’est-ce qu’un préjugé — Une mode de penser — De M. de Béranger — poete et patriote — De la Patrie au dix neuvième siècle — De M. Victor Hugo. Romantique — et penseur. De Mr de Lamartine — auteur Religieux. De la Religion au dix neuvième siècle — De la Religion aimable — Mr Lacordaire De M. Victor Hugo. Romantique et Penseur De Dieu au dix neuvième siècle — De quelques idées fausses de la Renaissance Romantique — Des filles Publiques et de la Philanthropie — [Rajouté dans un interligne, légèrement en retrait] (Des Réhabilitations en général). De Jean Jacques — auteur sentimental et infâme — De la République au dix neuvième siècle — et des Républicains. (G. Pagès — et D. Cormenin jugés par Robespierre). Des Fausses Aurores — Epilogue ou Consolations. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure Baudelaire reprend à son compte ou combat les préjugés qu’il évoque ou que l’on devine à travers ce style lapidaire, et ce que le texte projeté devait révéler de l’évolution de la réflexion de Baudelaire depuis 1848. Cette étude du préjugé peut se rapprocher d’éloges ultérieurs du poncif et du lieu commun sous sa plume. Dans Fusées (Pléiade, I, 662) : Créer un poncif, c’est le génie. Je dois créer un poncif. Et plus loin (Fusées, Pléiade, I, 670), cette concise poétique de l’énoncé du lieu commun : Sois toujours poète, même en prose. Grand style (rien de plus beau que le lieu commun). Quant au terme de « préjugé », on le retrouve dans deux lettres capitales de Baudelaire : la lettre à Mme Sabatier du 31 août 1857 ( « Vous voyez, ma bien belle chérie, que j’ai d’odieux préjugés à l’endroit des femmes ») et l’unique lettre connue adressée à Wagner, le 17 février 1860 (« La première fois que je suis allé aux Italiens pour entendre vos ouvrages, j’étais […] plein de mauvais préjugés »). La présence de ce document dans la collection d’autographes de Champfleury permet d’en situer la rédaction durant la période 1848-1852, pendant laquelle Baudelaire et l’auteur de Chien-Caillou furent particulièrement proches — ils fondèrent ensemble l’éphémère Salut public en 1848. Notes au verso, d’une autre main : dans la partie supérieure, au centre : « N 4. » Puis, un peu plus bas : « 9 » — en rapport peut-être avec l’adjudication au prix marteau de 9 francs lors de la vente Champfleury ? Dans le coin inférieur droit : « XX ». Catalogue des autographes composant la collection Champfleury, 1891, numéro 24 ; ancienne collection Armand Godoy, reproduit en fac-similé dans Le Manuscrit autographe, numéro spécial consacré à Charles Baudelaire, 1927, page 76 ; Pléiade, II, page 54. Traces de pliures, légères restaurations marginales, papier bruni ; très beau toutefois. Nous exprimons notre vive reconnaissance à Andrea Schellino pour les explications précieuses qu’il nous a apportées dans le cadre de la rédaction de cette notice.
ANET (Claude). ARIANE, JEUNE FILLE RUSSE. Paris, aux éditions de la Sirène, 1920. Maroquin fauve, plats de papier fantaisie, dos lisse [Devauchelle]. 1 feuillet blanc, 1 feuillet (faux-titre, oeuvres du même auteur au verso), 1 feuillet (frontispice, sur un papier glacé), 1 feuillet (titre), pages [7]-235, verso blanc, 1 feuillet de table (recto numéroté 237, verso blanc), 1 feuillet (justification, verso blanc). Plats de couverture et dos conservés. Non rogné en queue. Édition originale. Un des 15 exemplaires sur papier de Corée, seul grand papier, celui-ci numéroté 9. Bel et rare exemplaire, joliment relié par Devauchelle, de ce livre adapté au cinéma par Billy Wilder sous le titre "Love in the Afternoon" ("Ariane" en français), avec Audrey Hepburn, Gary Cooper et Maurice Chevalier. Un feuillet "Vient de paraître" a été conservé, ou joint. Pages 126-127 inégalement brunier (probablement du fait de la présence ancienne d’un document inséré à cet endroit). Très petit manque de maroquin au second plat, infime frottement au coin supérieur du premier plat. Le timbre de l’auteur, mentionné à la justification, semble absent ; nous ignorons s’il a jamais été porté sur des exemplaires de ce livre.
BULLETIN DU SALON D’AUTOMNE. S.n., s.d. [1916-1917]. Six fascicules brochés de 16 pages [numéros 1-3], 28 pages [numéro 5], 20 pages [numéro 6], 25 × 16 cm. Collection complète peu courante de cette publication adressée en temps de guerre aux sociétaires du Salon d’Automne. Robert Bonfils en était gérant, quelques exemplaires se trouvaient mis dans le commerce par la librairie Lutétia. Les nôtres sont sur vergé, complets de tous les encarts photographiques et d’un bulletin d’abonnement annonçant qu’il ne reste plus d’exemplaire du premier numéro — ce bulletin manque aux exemplaires de collections publiques consultés. Nombreuses reproductions dans le texte, articles d’un grand intérêt, critiques, nécrologiques, rapportant les décorations des sociétaires... On relève les noms de Vollard, Rodin, Maurice Denis, Pierre Bonnard, Georges d’Espagnat, Maxime Dethomas, René Kieffer, Aristide Maillol, Othon Friesz, Frantz Jourdain, Théodore Duret... Tous les plats de couvertures sont illustrés. Le plat supérieur du numéro 6 est insolé.
Edmond ROSTAND (1868-1918). CITATION AUTOGRAPHE SIGNÉE DE CYRANO DE BERGERAC. 15 février 1902. 1 page, 26,9 × 19,7 cm. Superbe et rare citation du chef-d’œuvre de Rostand, de grand format, signée deux fois. Il s’agit de la première strophe du poème des Cadets de Gascogne, offerte au directeur d’un hôtel. « 15 février 1902 Edmond Rostand pour M. Estrade, — que j’ai été si heureux de retrouver à la tête de ce bel hôtel ! — Ce sont les Cadets de Gascogne De Carbon de Castel-Jaloux ; Bretteurs et menteurs sans vergogne, Ce sont les cadets de Gascogne ; Parlant blason, lambel, bastogne, Tous plus nobles que des filous, Ce sont les cadets de Gascogne De Carbon de Castel-Jaloux ! (Cyrano, acte II) Edmond Rostand »
Ernest RENAN (1823-1892). ÉCLAIRCISSEMENTS TIRÉS DES LANGUES SÉMITIQUES SUR QUELQUES POINTS DE LA PRONONCIATION GRECQUE. Paris, chez Franck, libraire-éditeur, rue Richelieu, n° 69, 1849. Broché, 21 × 13 cm. Extrait du Journal général de l’Instruction publique (7, 18, 21, 25 juillet 1849). Rare tiré à part. Magnifique typographie, en français, grec, arabe, syriaque, hébreu, éthiopien… Traces de pliures à la couverture, légèrement noircie par endroit, mais bel état général.
[DUFY (Raoul)] FLEURET (Fernand). FRIPERIES. Poésies de Fernand Fleuret ornées de vignettes gravées sur bois par Raoul Dufy et coloriées à la main par Jeanne Rosoy et L. Petitbarat. Paris, nrf. 1923. Première édition illustrée de ces charmantes poésies de Fleuret. L’illustration est constituée de certains des premiers bois gravés de Dufy — ils ont été réalisés bien avant cette publication. Envoi autographe signé de l’auteur : "Au poète Pierre Lhoste, bien cordialement, Fernand Fleuret" Agréable exemplaire, sans rousseurs. Petites traces de plis à la couverture.
MAURIAC (François). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À ROBERT LEVESQUE. 20 mai 1927. 1 page, 18,5 × 14 cm. Adresse autographe. « Vous me parlez d’un ami intellectuel, d’un ami de cœur... et ne me dites rien de celui qui sûrement existe, qui vous aime, et que vous n’aimez pas. Ainsi va la vie selon le rythme Racinien : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui n’aime personne. Mais je vous souhaite de vous évader au plus tôt du Royaume de garçonie... Qui donc me connaît que vous connaissez ? Votre lettre témoigne d’un esprit de finesse bien charmant ; il y a beaucoup de coquetterie dans votre sincérité... Plus tard comme aujourd’hui vous voudrez qu’on vous demande votre cœur. (Cœur est un mot commode ; c’est une rubrique.) Adieu, cher monsieur. Soyez heureux d’avoir dix-huit ans. C’est la plus belle et la plus brève de nos aventures. »
George SAND (1804-1876). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE « AURORE » À ÉMILIE DE WISMES. 4 pages (l’équivalent d’une cinquième écrit en travers de la première) sur un bifeuillet, 21 × 12,8 cm. [Nohant, octobre 1820]. Une des toutes premières lettres connues de George Sand, très belle lettre à son amie de pension, remarquable par son contenu comme par sa présentation. Sand a en effet écrit plusieurs lignes sur la première page déjà rédigée, d’abord dans la direction opposée dans un espace blanc, puis dans une direction orthogonale par-dessus le texte initial. Dans le premier tome (1812-1831) de l’édition critique de Georges Lubin de la correspondance de Sand (Classiques Garnier, 2013), cette lettre porte le numéro 12 et n’est précédée que de trois lettres à sa mère (dont une conservée à la BnF et une non retrouvée), de lettres adressées à George Sand, de trois lettres non retrouvées à Jane Bazouin dont le texte exact est inconnu, et d’une assez courte lettre à Émilie de Wismes. « Tu es mille fois plus gentille qu’un cœur, chère Émilie, de m’avoir répondu par une aussi aimable lettre description, etc… Je reconnais bien là le bon goût, l’esprit de cette bonne de Wismes. Mon Dieu ! comme tu étais heureuse et comme je t’envie dans ton trajet sur la Loire, moi qui suis si sensible aux beautés de la nature ! Malheureusement le château que nous habitons est mal situé et, pour trouver de jolies promenades, il faut faire à peu près une lieue aux environs. Et puis voyager sur un fleuve, au clair de la lune ! que j’aurais aimé à m’extasier avec toi sur la beauté de la nuit, la fraîcheur des paysages ! Que d’idées fleuries, que d’imagination, que d’esprit enfin, puisqu’il faut dire le mot, nous aurions eu ensemble ! J’aime aussi à la folie ton récit, la peinture de l’échelle ! C’est à mourir de rire ! Pauline [de Pontcarré] et sa mère nous ont quitté[es] ces jours-ci, à mon vif regret comme tu penses. Heureusement je ne suis pas seule tout à fait. Mr de Lacoux dont je t’ai souvent parlé, est un homme precious à la campagne. Il montre tout, du matin au soir, il donne des leçons à ta très humble servante. Il a sa harpe, son excellente harpe, qu’il me prête sans cesse, il m’a fait faire assez de progrès et si ma santé (mauvaise maintenant) m’avait laissé le courage d’étudier davantage, grâce à lui et à sa harpe, qui est dure comme du fer, j’aurais des doigts parfaits. Il me donne aussi des leçons d’anglais. Nous traduisons ensemble Gerusalemme liberata dont je me propose, nonobstant, de passer quelques passages, sans qu’il s’en doute, ensuite il me montre tous les boléros espagnols sur une assez mauvaise guitare que nous avons trouvé à emprunter. Tu vois que si je voulais seconder son obligeance, et sa bonté, je deviendrais une petite perfection. Mais loin de là, ma santé traînante, me donne une lazyness d’esprit, une espèce de dégoût pour tout, que quelquefois j’écoute : alors je suis la personne la plus mauvaise et la plus bête qui existe. Nous avons aussi, ici, Hippolyte, ce jeune élève de l’école militaire de Saumur avec lequel j’ai été élevée, et dont je t’ai montré plusieurs lettres au couvent. Nous faisons encore un peu de folies, comme qui dirait de casser, de briser tout, de faire enrager les chiens, de les jeter à l’eau, etc. Nous faisons souvent des promenades à cheval : il m’a montré à monter à l’anglaise et sans que je sois fort habile, comme je suis très courageuse, nous faisons des courses charmantes. Nous traversons les rivières, nous galopons, par parenthèse, un des cheveaux étant malade, Mr de Lacoux avait pris l’autre jour une petite jument de ferme ; la pauvre petite rosse en nous suivant dans l’eau, en avait jusqu’aux flancs. Mr de Lacoux dont les jambes sont d’une longueur démesurée avait ses bottes inondées, il était obligé de relever ses grandes jambes sur les oreilles de sa bête, qui avait l’air si honteux qu’on aurait dit Don Quichotte monté sur Rossinante. Juge comme je riais ! Mais une aventure bien plus jolie est celle-ci : Un matin, nous étions partis. Mr de Lacoux, qui remplit le rôle de notre père avait pris une belle chabraque d’un rouge éclatant, Hippolyte avec son uniforme de Hussard et son bonnet sur l’oreille, moi coiffée d’un chapeau d’homme pour tenir mes cheveux ; dans ce bizarre équipage, nous trottions sur nos palefrois, quand un des spirituels habitants du Berry nous fit l’honneur de nous prendre pour ces charlatans qui avec des espèces d’uniformes, d’habits rouges galonnés, bigarrés, parcourent souvent la province, vendant des herbes, du vulnéraire, etc. Un de nos aimables Berrichons accourut donc, naïvement, s’efforçant d’une voix enrouée, de se faire entendre d’Hippolyte qui, s’étant arrêté pour savoir ce qu’il demandait, reçut de cet homme, l’étrange proposition, au cas qu’il eût sur lui ses outils, de visiter sa bouche, de lui arracher une dent, qui le faisait beaucoup souffrir, etc. Juge quelle peine nous eûmes à ne pas lui rire au nez, enfin Hippolyte gardant son sang-froid à merveille, et soutenant la gravité du personnage qu’il représentait aux yeux du paysan, lui indiqua une auberge de La Châtre, petite ville à une lieue d’ici, dans laquelle auberge vont débarquer tous les Istrions et comédiens ambulants ; le bonhomme l’en crut sur parole et lui ayant fait promettre de le recevoir, le soir même à la ville, et de le guérir se retira enchanté d’une si heureuse rencontre et nous laissant rire aux éclats en continuant notre route. Il nous a sans doute bien cherché[s] et demandé[s] à l’auberge et dans toute la ville, peut-être plusieurs jours de suite, dans l’espoir de nous retrouver. Mr de Lacoux montre aussi à danser à Hippolyte qui ne s’y prend pas mal du tout mais les peines du maître à tourner les pieds en dedans du roide cavalier sont encore fort plaisantes. Reçois-tu des nouvelles du couvent ? Sais-tu qu’il n’y a plus de cellules que pour les plus anciennes et qu’on a fait des appartements de Mme Lassone, un dortoir pour la gr[an]de classe ? Sais-tu que Mme Brador est morte, etc…, etc. ? Adieu, bonne de Wismes, Mme de Pontcarré, dont le nom de bap[tê]me est Émilie, nous contait toujours que sa bonne ayant l’habitude de mettre des x à la fin de tous les mots, lui écrivait, Max chèrex Emilix, je voux envoix dex poirex tapex, aussi toutes les fois que j’écris ton nom je suis tentée de mettre Emilix. Adieu donc, aime-moi un peu, moi, je t’embrasse tendrement, je t’aime de tout mon cœur, j’ai un plaisir infini à recevoir de tes nouvelles et des lettres si aimables que je désire qu’elles soient plus fréquentes. Mes compliments à Miss Gabb, dont tu ne me parles pas. Mille tendresses à Anna. Mes révérences à tous tes chats. Bien des félicitations à toi chère amie, sur le choix de l’Italien bête et ennuyeux avec lequel tu trouves un si grand charme à t’entretenir. Adieu. Bonsoir, il est une heure, je me couche. Ton amie Aurore Ne suis-je pas indéchiffrable ? »
[George SAND (1804-1876)] Pascal JOURDAN. FLORE DE VICHY. AUX NATURALISTES ET AUX AMIS DES FLEURS. Vichy, typographie et lithographie C. Bougarel, éditeur. 1872. Chagrin rouge au chiffre doré « G. S. » au centre du premier plat, motifs dorés en encadrement, dos à nerfs ornés, tête dorée, premier plat de couverture conservé (ni le second, ni le dos), 18,3 × 11,5 cm (dimensions approximatives des feuillets, inégalement rognés en gouttière). 1 feuillet (faux-titre, avec envoi manuscrit de l’auteur à George Sand, verso blanc), 1 feuillet (titre, verso blanc), 1 feuillet (dédicace à la sœur de l’auteur, verso blanc), 2 feuillets (préface des pages [v] à vii, dernier verso [viii] blanc), pages [1]-369, « avis au relieur » (indiquant l’emplacement des planches) au verso ([370]), 1 feuillet (habile errata, verso blanc). Les douze planches indiquées dans l’avis au relieur sont bien présentes. Édition originale de ce charmant ouvrage, joliment illustré. Remarquable exemplaire, celui de George Sand, auteur de la préface, relié à son chiffre, portant un envoi de l’auteur et accompagné du manuscrit autographe signé de la préface. Petits départs de fente aux mors en tête du premier plat et en queue du second, petits frottements à la reliure, petite trace de terre (peut-être de Vichy) au second plat. Très pâles rousseurs pages 176 et 228 et dans les marges des planches en regard, marges de la page 216 légèrement brunies et piquées, feuillet des pages 355-356 très légèrement mal coupé, avec petit manque marginal de papier sans atteinte au texte.
BERNANOS (Georges). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE [À MAURICE BOURDEL ?]. 2 pages. « 1 janvier Mon cher ami, Ma lettre vous parviendra sans doute je ne sais où dans la neige, à moins qu’elle ne vous attende au chaud rue Garancière. Dites-vous que je travaille, que j’ai travaillé le jour de Noël et celui du premier janvier comme d’habitude, dans mon vieux Café de la Rade, et que je pense toujours à la date prévue du 15 janvier. Cela vous fera plus plaisir que de simples souhaits, plus sincères, hélas ! — je le crains — qu’efficaces. Mes vœux respectueux à M. votre Père. Votre vieil Ami GBernanos »
BERNANOS (Georges). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE [À MAURICE BOURDEL ?]. 4 pages. « [D’une autre main : “1935”] [Dans le coin supérieur gauche :] Affectueux merci pour les cinq mille. [À l’horizontale :] 4 février Mon cher ami, Le retard de ma petite dactylo ne me permet pas de vous envoyer ce soir les premiers chapitres de mon livre. J’ai attendu d’avoir à peu près terminé la conclusion pour revoir cette première partie, que je suis forcé d’abréger car le livre aurait été trop long et trop cher — 450 pages. Ces premières pages — une centaine — vont partir lundi. Je voudrais absolument que vous les envoyiez à la composition tout de suite, en me faisant écrire d’urgence quand je dois envoyer la suite pour ne pas interrompre le travail. Croyez-vous pouvoir en venir à bout dans six semaines ? Il me semble que les circonstances nous servent magnifiquement, mais les grands chefs de l’escadre sont si pessimistes que j’ai littéralement — sauf votre respect — le feu aux fesses. Tant pis. J’ai tenu bon. Je n’ai rien cédé à l’impatience. À la grâce de Dieu. Répondez vite. Votre ami, GBernanos »
BERNANOS (Georges). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE [À MAURICE BOURDEL]. 2 pages. [Juillet 1935] « Cher ami, Je vous envoie quarante-deux pages (vous pouvez refaire le compte, mais il est exact, car j’ai poussé le scrupule jusqu’à décompter les lignes que j’avais recopiées sur le texte primitif, à cause des raccords). J’envoie en même temps les pages dactylographiées incorporées au nouveau livre. Ceci pour votre commodité. Sans ça, on ne s’y reconnaît plus. Vous seriez gentil de m’envoyer la galette d’urgence — toujours, hélas ! toujours… Merci de votre petit mot. Naturellement, je ne ferai pas de dédicaces ici, ou très peu. La carte suffira très bien. Il n’y a qu’à faire suivre le nom de l’adresse — Palma Espagne. Ça convaincra les incrédules ! Je viens de recevoir les beaux exemplaires de la Palatine. Merci. Bien affectueusement, GBernanos » Publication : Georges Bernanos, Correspondance inédite, 1934-1938. Combat pour la liberté, Plon, 1971, lettre 391, page 89.
BERNANOS (Georges). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE [À MAURICE BOURDEL]. 4 pages. « Toulon, 19 janvier Mon cher ami, je suis inquiet de ce que vous m’écrivez de votre fils. Il est vrai que dans l’état nerveux où je suis, je m’inquiète plus facilement que je ne me rassure. C’est peut-être aussi pourquoi je sympathise profondément avec lui. Je le connais si peu, et je souhaiterais bien le connaître. Mon vieux, faites encore un effort. Envoyez-moi trois mille francs par mandat télégraphique. Les médecins me sont tombés dessus, et beaucoup d’autres avec. Vous vous dites peut-être que je dépense beaucoup. Mais je vous jure que ce n’est pas pour moi ! Je me prive de tout, je n’ai même pas un complet veston. Il me tombe toujours sur le dos des embêtements jamais prévus. Je voudrais que vous ne comptiez pas ces trois mille francs dans la prochaine mensualité, sinon je ne m’en sortirai pas. Écoutez, je crois que vous serez bien payé par mon prochain livre, que vous n’y perdrez rien. Michel est à Marseille. Il prend pension dans une famille et reçoit des leçons particulières — coût 650 francs par mois sans compter l’argent de poche et les tramways. Yves a très bien réussi à la Cie Fabre. Ne tardez pas, mon vieux, je vous embrasse. GBernanos »
BERNANOS (Georges). LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE [À PIERRE BELPERRON]. 4 pages, 27,2 × 21,2 cm. Trace de trombone et de plis. D’une autre main, dans la partie supérieure : « Cette lettre répond à une critique du roman, 2e partie, par P. B. — non retrouvée. Janvier 1935. Lettre à Pierre Belperron. Plon répond le 23/1/35 et le 24/1. » Très belle et riche lettre à l’un de ses correspondants chez son éditeur (Plon). « Dimanche — Cher ami, Renvoyez-moi de toute urgence le manuscrit d’“Un Crime”. J’ai une proposition à vous faire. En quinze jours, à dater de la réception du dit-manuscrit, je puis refaire compètement la seconde partie, et la rendre accessible à Monsieur Lebrun lui-même (président patriote de la super-patrie française, championne de la civilisation gréco-romano-tarasconaise en face de la Barbarie orientale et asiatique, dont la frontière est à Sarrebrück et à Sarrelouis, comme nul n’en ignore.) Cinquante pages de nouveau texte suffiront, puisque le livre est déjà, ce vous semble, un peu longuet. Cette seconde partie dans le rythme de la première, qui enchante l’auteur de “Débats”. Je demande que ces cinquante pages me soient payées au tarif d’usage. Tout le monde sait que je vis au jour le jour — hélas ! — et que je ne puis mettre ma famille au régime purement hydrique pendant deux semaines. En retour, je m’engage à n’utiliser en rien la seconde partie actuelle, dont il me sera ultérieurement facile de tirer un conte de cent pages, pour le volume de nouvelles à paraître ultérieurement chez vous. Ainsi votre maison, comme de juste, ne perdra pas la valeur de ces pages, déjà payées par elle. Du point de vue de mon métier, que j’ai la prétention (ridicule, il est vrai) de connaître peu [sic], mais tout autant que le pou [Appel de note en bas de page : “Je dis : POU”] de bénitier Marcel (Gabriel) c’est la seule solution possible. Je ne nie pas qu’ayant commencé un roman policier j’aurais dû persévérer dans cette noble entreprise. C’est toujours le truc de Mouchette qui recommence, et des histoires de Mouchette, je pourrais vous en foutre dix par an. Les gosses se tirent d’affaire. Ne me plaignez pas : je suis très heureux. La “nécessité” est en train de me drainer le cerveau par le nez et les oreilles. Quatre ou cinq ans de ce régime me débarasseront définitivement de cet organe qui ne m’a jamais donné que du souci, et quand je n’aurai plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’Académie. Soyez assez gentil pour me répondre télégraphiquement que la Maison Plon accepte la proposition ci-dessus. Je me mettrai en train le jour même. Mais répondez par télégramme, je vous en prie. Ces incertitudes nuisent beaucoup à mon travail, à quoi bon ? Vous m’annoncez trois mille francs dans votre gentille lettre, et je n’ai ai reçu que 2 mille. Or, comme il vous sera facile de vous en convaincre, les pages que je vous ai données ont autant sinon plus de texte que les précédentes depuis trois mois. Si la marge est plus large, le format est différent. Une simple juxtaposition des feuilles vous le prouvera. Je ne puis d’ailleurs réellement croire qu’il s’agit d’autre chose que d’un malentendu. Maintenant je m’adresse à l’ami, pour un service personnel, et même deux. 1°) Je suis convoqué à Paris, le 5 février, (expertise médicale). Puisque vous êtes bien avec Pernot, qui m’a parlé de vous avec un enthousiasme que je ne saurais d’ailleurs attribuer qu’à une incroyable cécité psychologique, n’aurais-je pas le moyen d’obtenir de passer le dit examen ailleurs qu’à Paris ? Il est inhumain d’imposer au pauvre infirme que je suis, ce voyage, ces dépenses, ce temps perdu. 2°) La plupart des Français présents à Majorque trafiquent de terrains ou de viande d’amour — les deux parfois. Croyez-vous qu’on puisse faire parler de moi aux autorités espagnoles ? Soit par la Société des G. de L. soit autrement ? Existe-t-il une Société des G. de L. à Madrid ? Voilà. Ma femme vous envoie son bon souvenir, et j’y joins mon hommage à votre si charmante femme, et nos baisers au Gosse Inconnu. Votre vieux, GBernanos » Ne blaguez pas le livre que j’écris en ce moment. C’est une grande vieille belle chose que vous devriez aimer. Publication : Georges Bernanos, Correspondance inédite, 1934-1938. Combat pour la liberté, Plon, 1971, lettre 365, pages 52-53 (manques importants dans la transcription ; cette lettre semble donc en partie inédite). Datée du 20 janvier 1935 par les éditeurs du texte.