Brouillon dun article dans lequel Jean Cocteau propose une définition de lArt, en établissant notamment une distinction entre académisme et classicisme ...Une forme dart ne peut devenir classique si elle na pas dérouté à lorigine par son audace. [...]. Seulement la différence entre le classicisme et lacadémisme cest que lacadémisme est une mort définitive et que le classicisme est un sommeil quon peut réveiller comme la Belle au Bois avec un geste damour et un baiser sur les lèvres. Il nexiste pas une œuvre écrite ou architecturale qui parvienne à la sérénité dangereuse du classicisme sans avoir emprunté au visage humain cette étrange dissymétrie grâce à laquelle il évite la platitude et la monotonie. Du Parthénon à Versailles en passant par le Palais des Doges, tous les édifices qui nous émerveillent boitent comme Jacob après le combat avec lange et il en va de même pour les poèmes, les formes fixes servant de cadre aux singularités que chaque poète y apporte. Jajoute que certaines périodes mettent leurs chefs dœuvres en mauvaise posture et singulièrement lorsquil importe de contredire des périodes austères, ce qui oblige les artistes à encenser lange du bizarre. Cest après ces périodes qui nous valurent le style flamboyant et le rococo que lordre peut être considéré comme une anarchie parce quil soppose à la mode (...) Nous assistons donc à travers les siècles à un parcours ondulatoire, à des montagnes russes, danse de la beauté qui contrairement à lopinion de Baudelaire aime le mouvement qui déplace les lignes (...) Voilà, me semble-t-il, une étude passionnante, celle de cet esprit de contradiction qui habite lâme humaine et dont la transcendance est lesprit de création. Changer les règles du jeu. Secouer les fatigues. Réveiller ce qui somnole. Et voilà ce qui scandalise et, à la longue cesse de scandaliser pour lasser et prendre place dans le programme des collèges. Notre époque, dun rare éclectisme, sefforce de désennuyer et de déniaiser le genre dont lâge masque léternelle jeunesse intérieure. Et je souhaite que les jeunes architectes sefforcent de suivre lexemple des bonzes de théâtre qui pour le jeu, le décor et la mise en scène, ressuscitent les divinités et prouvent que le classicisme nest que la récompense des avant-gardes comme Gide disait que la patience est la récompense des chefs dœuvre. (...) Le fil à plomb est une paresse. Il a remplacé les équilibres, déséquilibrés et mystérieux qui correspondent aux mouvements dun acrobate traversant le vide sur un fil. Un chef dœuvre, quil soit dun architecte, dun peintre, dun écrivain, dun sculpteur met continuellement son auteur en danger de chûte. Ne pas obéir à cet appel du vide ou du néant. Continuer le travail sans vertige. Voilà ce qui assure à lart une manière déternité ! (...) le sens des proportions, sil se matérialise dans larchitecture ou le mobilier dénonce une élégance, noblesse pareille dans les âmes qui les conçoivent les exécutent et sen servent. Lartisanat abonde en merveilles de ce genre et il marrive de mattrister en constatant une carence de nos âmes à travers celle de proportions qui ne relèvent plus que de certaines règles impersonnelles sans que la désobéissance les fasse vivre, les repersonnalise, règles quil ne faudrait pas confondre avec la rigueur...
Reference : 5665
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