13/10 BROUILLON D'ARTICLE SUR LE CINÉMA, PROBABLEMENT À L'ATTENTION DU SCÉNARISTE ROGER PILLAUDIN ...Il est à remarquer que plus on monte dans l'échelle sociale moins on trouve de politesse et de grâce. Les ouvriers donnent tous l'exemple du savoir vivre ce qui n'est pas toujours le cas chez le patron. Je ne parle pas pour nos équipes où je peux poser les pieds sans crainte sur tous les échelons de l'échelle, où à faire bien chacun mérite des éloges. La photographie de Pontoiseau mon opérateur est équivalente à la meilleure écriture française. Elle ne s'encombre d'aucune tentation de l'expressionnisme allemand ou de l'ancienne école russe. Il photographie comme écrivaient Madame de La Fayette et Raymond Radiguet, sans opération artistique et sans pénombre. Je lui posais bien des colles, puisque mon film passe sans cesse et sans transition du ralenti à l'accéléré, de l'accéléré au ralenti, comme mes poèmes combinent les longues et les brèves. Robert Bresson, mon ami fraternel m'a cédé Henri (Raichi) son caméraman. Le rôle du caméraman, le public qui croit que le film se fait tout seul, ne s'en forme pas la moindre idée. Le caméraman vise à travers les épaisseurs jaunâtres de pellicule et ne doit jamais manquer son but. Cest un tireur d'arc Zen, un chasseur d'images qui donne la vie à chaque seconde de trajet de sa mitraillette à tuer la mort (...). Il faudrait chanter (...) les louanges de cette famille qui se sépare à la fin du film avec une véritable tristesse. Minouche la script, Marie Josephe la monteuse, Clo et Sebille, les jeunes stagiaires de l'Idec, (...) le maquilleur, autant de branches d'un arbre qui sans eux resterait un simple épouvantail. Je poserai un problème presque insoluble : tourner un film peu cher qui saurait éviter ce qu'on appelle l'élite et atteindre immédiatement cette foule de l'ombre qui a faim et soif d'audace. Je parle de cette vraie audace n'ayant rien en rapport avec ce qui en affiche le nom. J'ai eu récemment l'exemple du danger que représente une visite rapide dans un studio. Un ami très cher, directeur de journal, m'avait envoyé un autre reporter ami afin d'être sûr d'avoir un article sérieux sans anecdotes ni malices. Or, cet ami, pourtant fidèle, prit pour bavardages ma méthode afin de ne pas laisser l'équipe s'endormir et pour désordre la merveilleuse aisance avec laquelle l'ouvrier français besogne sans en avoir l'air et se dépense comme on jette l'argent par les fenêtres.Son article provoqua ma stupeur jusqu'à ce que je comprenne que cet ami qui n'est pas journaliste, avait voulu en prendre le genre, et pousser à droite et à gauche ces pointes inexactes qui insultent la muse, se ridiculisent et trompent le public... Il termine par une succession de vivats : ...Vive la simplicité, vive le courage, vive la franchise, vive la corde raide sur laquelle on traverse les rapides, vive cette haute rigueur grâce à laquelle l'irréalité devient réelle et nous rend semblable à un paralytique endormi rêvant qu'il court...
Reference : 3366
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