Très beau texte de préambule au spectacle de Pelléas et Mélisande qui devait se jouer au théâtre de Metz et pour lequel Cocteau signa les décors : le poète évoque comme source dinspiration à sa mise en scène un souvenir denfance et celui du décor originel créé par Jusseaume...…Pelléas est une pièce qui semble réaliste et irréelle. On y souffre damour et de solitude mais la mort de Mélisande nous fait penser au vol nuptial des abeilles. Or le réalisme irréel nest autre que le domaine enfantin et cest pourquoi après bien des refus en France, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Amérique, jai fini par me résoudre, pour le festival de Metz à me souvenir des programmes et du magazine « Le Théâtre » (...). Jai voulu mouvoir des personnages dun style médiéval aux fraîches couleurs, dans des esquisses exécutées daprès ce qui reste dans ma mémoire des décors du spectacle dorigine, lorsque la salle houleuse se moquait de ce mariage mystérieux dun chef dœuvre avec un autre, la musique impressionniste et féminine de Claude Debussy dévorant un peu le texte mâle de Maeterlinck comme il arrive dans laccouplement des mantes religieuses. Jaimais ces décors de décors construits et qui ne contraignent pas le spectateur à un effort dimagination. Seulement leur nombre et les interludes en rendent la mise en place très difficile et jai pensé que le mélange du simple dessin et des lumières qui traversent les zones transparentes sur lesquelles il sébauche suffiraient à conduire le spectateur dans le royaume de Maeterlinck sans que lEmpire de Claude Debussy en souffre (…). Mon but serait de ne pas ajouter à deux grandes œuvres conjointes un poids pittoresque et décoratif... En 1952, après une représentation de Pelléas et Mélisande, Cocteau notait dans son Journal : « Pelléas est un pléonasme, un chef-d'œuvre en recouvre un autre. Mais dans ce mariage de mantes religieuses, la femelle mange toujours le mâle, et la musique féminine de Debussy mange Maeterlinck ». Dans lintroduction du Programme joint, Cocteau explique que, lorsquil était enfant, ses parents, revenant du théâtre, laissait sur son lit, pendant son sommeil, un superbe magazine en couleurs « Le Théâtre ». Pour les décors quil fit, pour le théâtre de Metz, il a donc tenté de retrouver ce souvenir denfance, tout en demeurant fidèle au décor originel de Jusseaume. Cocteau conclut : « Puisse la profonde et douce lumière de Maeterlinck de traverser cette ruche et méviter dalourdir le vol nuptial de Mélisande semblable à celui des abeilles »...Seul drame lyrique de Debussy, joué en 1902 sur la scène de lOpéra-Comique, daprès Maeterlinck, lœuvre est « aux confins de la poésie et du silence » comme lécrivit Gaston Bachelard. La partition est pleine de mesures blanches, de « silence actif » destiné à faire « valoir lémotion dune phrase ».
Reference : 2687
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