Londres 12 décembre 1913, 20x25,5cm, en feuillets.
Reference : 88289
| «Il ne s'agit plus de conquérir le monde; mais de le pacifier. Travaillez, travaillons de concert à la paix du monde» | Manuscrit autographe complet d'Anatole France, 7 pages à l'encre noire sur 7 feuillets et une note autographe signée sur un bifeuillet. 2 feuillets fendus au niveau du pli horizontal sans atteinte au texte, dernier feuillet renforcé au dos. Discours complet et abondamment corrigé d'Anatole France, à l'occasion d'unbanquet donné en son honneur à Londres. Le futur Prix Nobel de Littérature livre un superbe appel à la paix entre les nations et une ode à l'Angleterre, moins d'un an avant la Première Guerre mondiale. L'écrivain a offert ce manuscrit en l'accompagnant d'une note signée: «Gardez, cher confrère et ami, gardez ce chiffon de papier s'il a quelque prix pour vous. Anatole France Londres, le 12 décembre 1913». Le biographe anglais d'Anatole France a assisté à cette allocution de l'écrivain, qui préfigurait la nécessité absolue du soutien entre la France et l'Angleterre: «En décembre 1913, le Maître a effectué une brève mais mémorable visite dans ce pays. L'événement central de son séjour à Londres fut le banquet donné en son honneur à l'hôtel Savoy. À cette occasion, il fut apparemment décidé, dans les cercles éloignés et exaltés où de telles décisions sont prises, que le socialiste devait être ignoré (son tour devait venir plus tard, avec les Fabiens), mais que l'honneur pouvait et devait être rendu à l'homme de génie, l'homme de lettres le plus en vue de l'époque. La fête fut donc présidée par un pair, feu Lord Redesdale, lui-même écrivain de talent. La compagnie était nombreuse et distinguée. [...] Monsieur France, bien qu'il soit un orateur inimitable, n'est pas un conférencier et, à cette occasion, il a lu son discours. Tout ce dont je me souviens aujourd'hui, c'est de la musique riche et délibérée de la voix qui l'a prononcé, et des mots qu'il a répétés avec une étrange insistance : 'Travaillons de concert à la paix du monde'. C'était en décembre 1913. L'exhortation, ainsi répétée, semblait déjà à l'époque chargée d'une signification sinistre, et aujourd'hui, en repensant aux années d'horreur qui allaient bientôt suivre, on se demande si ce vieil homme aux yeux étranges et impénétrables et à la voix musicale et mélancolique n'avait pas en quelque sorte vu l'ombre de la catastrophe à venir » (J. Lewis May, Anatole France, the man and his work: an essay in critical biography, p. 98-99). Le manuscrit contient de nombreux passages biffés et réécrits, et montre la genèse de l'écriture de ce beau discours, dont voici des extraits: «M.M. Je ne suis pas bien sûr que je ne rêve pas. Accueilli avec cette cordialité splendide par tant d'hommes dont les noms, les uvres, la pensée représentent tant de grandeur, de forte et de beauté. [...] Vos compatriotes durant 2 siècles ont donné des chefs-d'uvre de ce genre. Est-il besoin de rappeler Richardson et Fielding, Swift et Daniel Defoe, Walter Scott Dickens et Thackeray, George Elliott [...] le roman est en Angleterre dans son sol de prédilection comme la pomme en Normandie et l'orange à Valence. Pourquoi? Il faut pour le dire en un gros volume ou un seul mot. Hé! bien disons-le en un mot. Ce mot Lord Redesdale nous l'a fait pressentir. C'est que le roman est intime cordial et familier par nature et que l'anglais à l'esprit familier, intime et cordial. Messieurs je ne rêve pas: c'est un banquet, je vois briller les coupes et les visages bienveillants des convives. Et j'arrive à comprendre pourquoi vous m'y avez convié. Je suis pour vous un symbole, une allégorie. Je représente à cette table les lettrés français comme aux fêtes de la Révolution française la citoyenne Momoro représentait la déesse raison. Sans être déesse ni spécialement raisonnable, cette idée me met à l'aise et je ne vous chicanerai pas trop sur le choix de votre symbole. Je me dis que peut-être ne vous a-t-il pas déplu de faire asseoir à votre table un français qui, ayant la faiblesse d'écrire, eut du moins le mérite, que vous estimez fort, de ne jamais déguiser sa pensée. Et ce qui est infiniment précieux à votre hôte dans l'honneur que vous lui faites, c'est l'occasion qui lui trouve de vous témoigner son respectueux et tendre amour pour l'Angleterre et de rendre hommage à vous tous ici qui représentait le génie anglais dans son essence, à vous tous ici qui, après une longue suite de générations robustes, nous rendait l'esprit vaste et profond de Shakespeare et de Bacon. Il y a dans ce génie anglais dont vous avez reçu le flambeau pour le tendre tout ardent à la génération future, il y a dans ce génie anglais une continuité de choses fortes qui force l'admiration. Par sa gravité unie à une parfaite bonhommie, par le mélange d'idéalisme sublime qui le compose par son patient et fort pour la justice, par son énergie virile et sa confiance vertueuse, on peut dire qu'il est un perpétuel hommage à la liberté et à la dignité humaine. Il conquit l'estime du monde entier et ne fut nulle part mieux connu ni plus estimé qu'en France (vos institutions vos murs publiques ont servi d'exemple et d'idéal à la France du 18e siècle, à la France de Montesquieu et de Voltaire et celle-là est la grande, la vraie) votre Shakespeare a renouvelé notre inspiration poétique. Notre régime parlementaire est sorti du vôtre. [grand passage biffé] Je vois ici- et c'est votre honneur et le mien, des hommes qui diffèrent grandement entre eux de croyances, de sentiments et d'idées; mais qui ont en commun la droiture, l'énergie, la robustesse britannique qui leur donne un air de famille et les tient unis par des liens très forts. [...] Il ne s'agit plus de conquérir le monde; mais de le pacifier. Travaillez, travaillons de concert à la paix du monde. En parlant ainsi, je ne je ne crois pas outrepasser les droits que votre bienveillance et votre cordialité me donnent [...] Ce banquet était encore dans le chaos originel quand l'esprit de M. Thomas Morclay, qui préside à son organisation, y souffla son esprit d'amitié française d'entente pour la paix du monde. Encouragé par cet ami de la France, [passage biffé], j'acclame en terminant l'amitié de l'Angleterre et de la France en vue de la paix universelle.» - Photos sur www.Edition-originale.com -
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