‎HOUVILLE (Gérard d’, pseudonyme de Marie de Régnier). ‎
‎Les Arbres. ‎

‎Manuscrit autographe intégral d’un superbe texte rédigé en prose, titré au début et signé à la fin, 12 ff. inscrits au recto à l’encre noire, arrachés d’un bloc d’un cahier et paginés en haut à droite (18/23,2 cm). « Les Arbres. J’ai sur ma table un petit livre qui s’appelle ‘Aimons les arbres’. C’est un recueil de morceaux choisis à l’usage de la jeunesse des enfants que Monsieur Louis Piérard a publié avec une fort belle préface de Verhaeren. Ce livre est destiné à apprendre aux enfants à aimer et admirer la nature, à chérir, à respecter les plantes, les fleurs et les arbres. Or combien de grandes personnes XX ! à combien d’impitoyables coupeurs de futaies ne pourrait-on pas l’adresser ! Je doute cependant qu’il intéresse ceux-là qui n’aiment pas déjà les ombrages, les frondaisons mouvantes et profondes, les feuillages amis ; ce livre ne les convertira pas tous et sera peut-être repoussé par eux, cependant que tous ceux-là qui n’auraient pas eu besoin de lui pour comprendre la beauté des chênes, des châtaigniers, des ormeaux ou des sycomores liront et reliront avec le plus vif plaisir les pages de vers ou de prose sur lesquelles semble se balancer l’ombre imaginaire et changeante d’un bienveillant rameau. Nous trouvons dans ce petit livre tour à tour de belles phrases nourries et rythmée de M. Barrès, des stances pompeuses et mélancoliques de M. Moréas, le beau sonnet de J. M. de Heredia ‘Le Dieu Hêtre’ et des vers de Vigny, de Verhaeren, d’Hugo, de Mikhaël, de Verlaine et de Lamartine, du vieux et cher Ronsard, de Du Bellay, de Signoret et d’Henri de Régnier sans oublier ce murmurant et triste long poème de Dierx ‘Les Filaos’. Nous y trouvons des fragments de prose de Jules Renard et de Lamartine, de Chateaubriand et de Ch. Maurras, de Michelet et de Maeterlinck, de Mme de Sévigné et de Colette Willy, de Taine et de Marcel Boulanger, de P. Loti et de J. L. Vaudoyer. On le voit ce petit bouquin est d’un éclectisme qui ne le rend que plus varié et plus agréable à lire. Je regrette néanmoins qu’à côté du Faune mort de Gilbert de Voisins on n’ait pas ajouté la description du grand cèdre que l’on trouve dans son dernier roman, ce ‘Bar de la Fourche’ si farouchement, si simplement horrible et beau. Je regrette aussi que l’on n’ait pas cité quelques pages d’Henri de Régnier sur Versailles à l’automne ‘la Semaine des arbres’ et enfin que Monsieur Piérard, duquel nous lisons au cours de ce volume, des lignes touchantes ou utiles n’ait pas eu l’idée de nous donner la triple description de la forêt de Fontainebleau faite par Taine dans le cours de sa correspondance, par Flaubert dans l’Éducation sentimentale, par Goncourt dans Manette Salomon. Enfin, puisque nous trouvons quelques pages de XXX, pourquoi ne pas nous offrir aussi cette étonnante description de l’allée de chênes de Cedric de Motherwood dont Walter Scott au commencement d’Ivanhoé étend la splendeur sombre, mystérieuse et touffue, et sous l’épaisseur secrète et verdoyante de laquelle les songes adolescents ont si souvent erré ? Et il doit y avoir encore bien d’autres descriptions végétales et forestières que je ne connais pas ou desquelles en cet instant je ne me souviens pas. Elles pourraient composer un second volume de cette anthologie, et on pourrait peut-être plus tard en faire une nouvelle et grande édition, illustrée par des reproductions de tous ces tableaux célèbres dont les personnage s sont des arbres plus ou moins illustres, toujours beaux. Dans notre mémoire fidèle ne gardons-nous pas avec le souvenir de nos amitiés les plus chers, celui des beaux paysages, des fleurs délicieuses, des nobles arbres que nous avons vus, admirés, aimés ? Le foisonnement des hauts peupliers bordant un canal monotone ne s’est-il pas mêlé à quelque douce ou mélancolique rêverie, ou à quelque causerie lente et mesurée comme cette eau longée d’un pas égal ? Quand nous retrouvons au fond de nous cette heure lointaine, la couleur du ciel et son reflet dans le canal étroit et la silhouette des peupliers et leur bruissant murmure y sont liés indissociablement. Aussi, tout au long de notre vie, le souvenir des êtres, des évènements, heureux, familiers ou tristes est pour toujours étroitement mêlé à celui des lieux où nous avons passé ou vécu, des jardins et des demeures que nous avons habitées, des sites que nous avons traversés et qui nous ont ému autant que certains visages vivants ou que certains tableaux immortels. Quand nous songeons à nos voyages, ne repensons-nous pas autant qu’aux monuments, aux palais, aux statues, aux fresques, aux trésors divers des villes et des musées, à certains aspects de la nature qui se sont alors pour toujours imprimés en nous ? Grandes landes bretonnes Hauts pins maritimes, dressant sur le ciel et sur la mer votre stature robuste à la cime élargie, vous êtes pour toujours dans ma mémoire et vous marquez les étapes de mes rêves unis et fleuris d’enfant comme vous marquiez celles de la longue promenade à travers les landes bretonnes… Beaux bois de Douarnenez, si profonds et si verts, descendez-vous toujours de branches en branches jusqu’à la baie courbe harmonieuse de la mer paisible ? Vallées de Penmarc’h, a-t-on respecté vos séculaires ombrages sous lesquels s’abritait le granit gris des croix ? Au fond du plus lointain de mes souvenances enfantines, quelques vieux arbres étendent leurs rameaux divers : c’était dans le grand jardin d’une vieille maison quelconque louée pour l’été. Ces trois arbres m’enivraient. Il y avait d’abord un sophora dont les branches retombaient jusqu’à terre, formant ainsi une sorte de tonnelle naturelle sous laquelle je passais de longs moments comme dans une petite maison verte, une cabane sauvage, et où l’on imaginait sans efforts les plus belles aventures. L’autre était un catalpa : ses larges feuilles me plaisaient et surtout son tronc sonore ; le troisième était un sycomore admirable, dont la robe d’automne fut vraiment royale et dont je ramassais les feuilles tombées pour faire des bouquets éclatants. Un immense chêne de la forêt de Marly, si vénérable, si noueux, au tronc colossal et couvert de mousse, et sous lequel on nous mena quelque fois goûter, partage avec ces arbres mes premières prédilections. A chaque fois que je relis ou me répète cette phrase des ‘Caprices de Marianne’ : ‘ A dieu les longs soupers à l’ombre des forêts…’ je pense au chêne de la forêt de Marly, à la mousse veloutée, aux flancs enflés du panier rempli de choses succulentes, à tout ce qui paraît meilleur, plus étonnant et plus savoureux parce que l’on est petit. Et je pense à vous chaque fois que ma pensée vagabonde à travers mes anciens voyages, citronniers de Capri luisants et parfumés, oliviers de Tivoli qui cachez dans vos tenues des sylvains tourmentés et de souples dryades, et à mes cyprès séculaires de la villa d’Este et du jardin Giusti, aigus comme des dagues noires, à vous cyprès des cimetières turcs, cyprès d’Eyoub et de Scutari, effilés comme de longs pinceaux, prêts à tracer des épitaphes. Je pense aux ‘chênes vivants’ de la Nouvelle Orléans, aux chevelures des longues mousses s’emmêlant aux lianes et aux branches dans ses humides forêts, à vous platanes démesurés qui dans Brousse la sainte abritez les mosquées turbes, à vous grands camélias du cimetière anglais de XX, qui effeuillez sur les tombes vos fleurs blanches et framboisées et qui mêlez ainsi toujours dans votre longue offrande funéraire les couleurs des fruits et du lait. Je revois le pin solitaire qui domine un vieux mur romain qui s’écroule de son orgueil tenace ; je revois les rouvres admirables de la villa Lante, qui sont groupés à l’entrée du parc comme les arbres des tableaux de Watteau. Bouleaux d’argent qui frémissez dans les clairières d’un bois dont je ne sais plus le lieu, charmes au nom charmant, tilleuls aux graines ailées, robustes châtaigniers de France, vous vous mêlez dans mes songes aux feuillages des pays étrangers et vous composez ainsi une forêt profonde, imaginaire et variée qui hantent au lieu de biches, d’écureuils et de petits lapins, des rêves et des souvenirs sans nombre. Tous les printemps de Paris sont marqués par la floraison du magnolia des Champs-Élysées et des petits arbres de Judée, avenue du Bois ; et il y a aussi le marronnier du vingt mars, mais je lui préfère celui, si vieux, qui abrite aux Tuileries un banc près du premier bassin ; j’aime aussi les arbres de la terrasse au bord de l’eau lorsqu’ils reverdissent : les premières feuilles sont si pâles, si pâles sur leurs troncs si noirs ! D’ailleurs j’aime les arbres de Paris, les vieux beaux arbres qui longent par endroits la Seine près du Louvre, autant que les maigres peupliers de banlieue du côté de Boulogne-Billancourt. A Venise, une glycine qui penche, une branche qui dépasse un mur, prend aussi encore plus que dans n’importe quelle ville, cet aspect à la fois chétif et précieux, évocateur des frères heureux et robustes vivant dans les bois, les prés et les forêts. Oui j’aime aussi les arbres des villes ; ils ne me font pas oublier certes, les vieux hêtres de ce bois sacré de la Sainte Beaune, ni les ormeaux auxquels se suspend la vigne italienne, ni ces beaux arbres dont la forme et la stature dessinées sur quelque soleil couchant au hasard d’une promenade dans la campagne, revivent en nous avec leur dessin exact, noir ou pourpre, ben que nous n’ayons pas même eu le temps de reconnaître leur espèce et de leur donner un nom. Mais il y a à Paris des arbres qu’on aime parce qu’on les a toujours vus, parce qu’ils ont des airs d’exilés. N’aimez-vous pas le vieux cèdre du Jardin des Plantes ? Il me fait penser à pareils qui vivent dans une abbaye très aimée comme des moines verts et gris ; celui du jardin des Plantes est toujours rempli de pigeons ; leurs plumes et leurs duvets volent dans les branches qu’emplit un roucoulement innombrable… et l’on pense que Chateaubriand La sénilité robuste du vieux cèdre s’accommode d’abriter ces tendresses ailées… et l’on songe que Chateaubriand s’est peut-être assis sur ce banc à côté d’Hortense Allart, et qu’ils ont écouté à l’ombre des mêmes branches, d’autres ramiers. Tous les automnes, nous allons, n’est-ce pas à Versailles en pèlerinage, voir les arbres en habits de cour ? C’est une journée éblouissante, une journée à laquelle d’avance, nous pensons, car nous sommes de ceux-là qui aiment les arbres. Au début de l’anthologie dont je vous parlais plus haut, on lit ceci, signé de M. Barrès : ‘ L’humanité s’est beaucoup privée en ne croyant pas les plantes susceptibles d’affection. Il fallait nous faire à leur endroit l’illusion que nous nous nous sommes composée sur les bêtes…’ Et il rapporte ensuite l’anecdote de Xerxès, chargeant un bel arbre de bracelets et de colliers… Combien M. Barrès a raison ! Il faut non seulement aimer les arbres, mais croire qu’ils nous aiment. Je crois cela depuis que je suis enfant. Je sais que je suis aimée par les fleurs autant que je les aime. Elles se fanent moins vite dans mes mains ou à ma ceinture qu’au corsage de mes amies ; mes bouquets ne veulent pas mourir. Et je garde longuement des fleurs qui, chez une autre, étant l’objet des mêmes soins, prolongeraient moins leur vie. Quand j’étais petite je nouais mes bras autour du tronc des arbres qui me plaisaient et j’appuyais ma joue sur la rude écorce, m’imaginant que j’entendais battre leur cœur. Oui je veux croire qu’entre les êtres et les plantes, l’humanité et les choses, il y a un secret échange de tendresse ou d’hostilité inexprimée, de même qu’il peut aussi y avoir de l’hostilité. Aimons les arbres ; et souhaitons que plus tard, sur nos tombeaux muets, nos tombeaux immobiles, s’éternise, protectrice et mouvante, l’ombre d’un arbre, rempli d’oiseaux. Gérard d’Houville. » Bon état général.‎

Reference : AWD-872


‎‎

€3,000.00 (€3,000.00 )
Bookseller's contact details

Actualités
M. Daniel Azoulay
15, rue Gay-Lussac
75005 Paris
France

librairie.actualites@sfr.fr

00 33 (0)6 72 07 91 06

Contact bookseller

Payment mode
Cheque
Transfer
Others
Sale conditions

Conditions de vente conformes aux usages de la librairie ancienne et moderne

Contact bookseller about this book

Enter these characters to validate your form.
*
Send

5 book(s) with the same title

‎Chalon Jean‎

Reference : 62924

(1999)

ISBN : 9782259190190

‎L'AMI DES ARBRES. Journal d'Espagne‎

‎Plon 1999 201 pages 13 3cmx20 2cmx1 7cm. 1999. Broché. 201 pages. Jean Chalon tient un journal depuis longtemps.Il y note chaque jour ses rencontres ses impressions ses illusions. Or il a deux vies l'une à Paris l'autre en Espagne et ces deux vies se rencontrent peu. Paris c'est le milieu littéraire ses monstres et ses intrigues que l'on retrouvera lors d'un prochain volume. L'Espagne qui forme ce présent ouvrage c'est l'éblouissement devant les arbres les couleurs les odeurs. L'Ami des arbres est un hymne à la nature aux bonheurs vrais et gratuits.Mais c'est aussi ses souvenirs avec Jean Cocteau Anaïs Nin Natalie Barney Louise de Vilmorin Marguerite Yourcenar... Ce livre est tout simplement un art de vivre à la campagne en été un bréviaire des vacances une leçon de bonheur teintée de gravité et de drôlerie‎


‎l'article présente de légères marques plis de lecture et/ou de stockage mais du reste en très bon état. Envoi rapide et soigné dans enveloppe à bulles depuis France‎

Démons et Merveilles - Joinville

Phone number : 07 54 32 44 40

EUR5.90 (€5.90 )

‎Odile Perrard‎

Reference : 400018846

(2010)

ISBN : 9782812302145

‎Une bonne raison par jour d'aimer les arbres‎

‎editions chêne 2010 2010. Odile Perrard: Une bonne raison par jour d'aimer les arbres/ Editions du Chêne 2010 . Odile Perrard: Une bonne raison par jour d'aimer les arbres/ Editions du Chêne 2010‎


‎Très bon état‎

Démons et Merveilles - Joinville

Phone number : 07 54 32 44 40

EUR3.50 (€3.50 )

Reference : 400020913

(1987)

‎Du Chatenet bauer bovet Guide des Arbres et Arbustes exotiquesdelachaux‎

‎Delachaux 1987 1987. Du Chatenet & Bauer-Bovet: Guide des Arbres et Arbustes exotiques/Delachaux 1987 . Du Chatenet & Bauer-Bovet: Guide des Arbres et Arbustes exotiques/Delachaux 1987‎


‎Très bon état‎

Démons et Merveilles - Joinville

Phone number : 07 54 32 44 40

EUR10.00 (€10.00 )

Reference : 400084954

(1986)

‎Bruno p kremer Les arbres nathan france loisirs‎

‎ 1986 1986. Bruno P. Kremer: Les arbres/ Nathan-France Loisirs 1986 . Bruno P. Kremer: Les arbres/ Nathan-France Loisirs 1986‎


‎Très bon état‎

Démons et Merveilles - Joinville

Phone number : 07 54 32 44 40

EUR7.00 (€7.00 )

Reference : 400087508

‎Les Arbres de france pochette avec une planche Le Saule pleureur‎

‎Éd Atlas Sans date. Les Arbres de France pochette avec une planche: Le Saule pleureur/ Ed. Atlas . Les Arbres de France pochette avec une planche: Le Saule pleureur/ Ed. Atlas‎


‎Bon état‎

Démons et Merveilles - Joinville

Phone number : 07 54 32 44 40

EUR1.50 (€1.50 )
Get it on Google Play Get it on AppStore
The item was added to your cart
You have just added :

-

There are/is 0 item(s) in your cart.
Total : €0.00
(without shipping fees)
What can I do with a user account ?

What can I do with a user account ?

  • All your searches are memorised in your history which allows you to find and redo anterior searches.
  • You may manage a list of your favourite, regular searches.
  • Your preferences (language, search parameters, etc.) are memorised.
  • You may send your search results on your e-mail address without having to fill in each time you need it.
  • Get in touch with booksellers, order books and see previous orders.
  • Publish Events related to books.

And much more that you will discover browsing Livre Rare Book !