Goa, 19 janvier 1784. 3 pp. in-folio (43 x 27,4 cm) sur une feuille double, pliée.
L’approvisionnement des comptoirs français en Inde. Officier de marine, Peynier relate son passage dans différents ports (Colombo, Galles, Cochin, Mahé, Goa) afin d’y acheter des denrées destinées aux comptoirs français de la côte de Coromandel, ainsi qu’aux vaisseaux de son escadre. Il est essentiellement question de blé, de riz, d’animaux (bœufs, cochons) et de salaisons. Peynier mentionne les négociants qui servent d’intermédiaires, les quantités achetées ou disponibles, les règlements par lettres de change ainsi que les monnaies utilisées, leur valeur variant d’une ville à l’autre. Il évoque aussi l’état sanitaire des marins dont certains sont soignés à terre. Extraits : « A Colombo ou à Galles, il y a cinq cents milliers de riz dont une grande partie a été reçue par la Compagnie […]. A Galles il y a de 4 à 5 cents milliers de bled, que je voudrais faire passer à la côte de Coromandel et que je crains fort de ne pas pouvoir prendre dans nos vaisseaux, il y a également un peu de biscuit avarié. A Cochin il y avait cent bœufs et mille cochons au Roy, les vaisseaux en ont pris pour leur journalier et rafraîchissements pendant le temps que j’y ai resté et y en reprendront à mon retour. J’ai passé 24 heures à Mahé où j’ai vu M. de Cossigni […]. Vous avez dû recevoir de ses nouvelles par des officiers qu’il vous a envoyés, il y a très longtemps qu’il n’en a reçu de vous. De Mahé je suis venu à Goa où j’ai mouillé le premier janvier et où nous nous sommes tous réunis… » (p. 1). « J’ai trouvé à Goa 118 316 L. de bled que j’ai fait embarquer dans les vaisseaux. M. le gouverneur en a pris 50 000 L. qu’il me rendra à mon retour de Surate […]. Toutes ces provisions provenant des approvisionnements faits par feu M. de Beaubrun et non de celles que je devais trouver ici pour l’entière exécution du contrat passé à Colombo par M. Louis Monneron avec M. de Riboira - que vous me marquez devoir être de 1 000 000 L. de bled, 115 000 L. de bœuf salé et de 40 000 L. de cochon salé […]. En arrivant ici j’y ai trouvé une quarantaine d’hommes qui y sont entretenus par le Roy depuis près de 6 mois […]. J’ai embarqué tous les biens portants dans les vaisseaux. J’ai été obligé de mettre plusieurs malades à terre, il y en a actuellement environ 60 presque tous scorbutiques et plaies graves… » (p. 2). Né à Aix-en-Provence, Louis-Antoine de Thomassin de Peynier (1731-1809) appartenait à une importante famille de la noblesse provençale. Entré dans l'armée à 14 ans, il fut nommé lieutenant en 1747, puis passa dans la marine. Devenu capitaine de vaisseau, il participa à la guerre d'indépendance américaine avant d’effectuer, de 1782 à 1785, une longue campagne dans les mers de l'Inde. En 1789-1790, il fut gouverneur de la partie française de Saint-Domingue. Il était le fils de Louis de Thomassin, marquis de Peynier (1705-1794), intendant de la Guadeloupe en 1763, puis intendant de la Martinique de 1765 à 1771. Son correspondant, Charles-Joseph de Bussy-Castelnau (vers 1720 - 1785) était à l’époque gouverneur des Etablissements français en Inde. Il avait effectué l’essentiel de sa carrière militaire dans ce pays, travaillant successivement avec La Bourdonnais, Dupleix et Lally-Tollendal, puis avec le bailli de Suffren qui venait de quitter l’Inde à la fin de 1783. Document bien conservé, sauf quelques petites déchirures sans gravité.
A l’isle de France, 15 mai 1785. 4 pp. in-folio (32,3 x 20,5 cm), avec corrections autographes ; sur une feuille double.
La fin de la campagne de l’Inde. En 1782, une division navale fut envoyée en Inde pour renforcer l’escadre du bailli de Suffren qui s’y trouvait depuis l’année précédente. Ces renforts, commandés par le comte de Peynier, arrivèrent sur place au début de 1783. En juin de la même année, Peynier participa à la bataille de Gondelour, puis succéda à Suffren en 1784 au moment où celui-ci fut rappelé en France. Lui-même quitta Pondichéry l’année suivante et arriva à l’île de France (Maurice) le 2 mai 1785: «J’étois parti de Pondichéry le 19 mars, avec 240 hommes du régiment d’Austrasie […]. J’ai trouvé à mon arrivée le vaisseau l’Annibal que j’avois expédié le 6 mars de Pondichéry avec 200 hommes du régiment d’Austrasie […]. On m’a remis à mon arrivée les paquets que vous m’avez adressé par la frégate la Subtile commandée par M. La Croix de Castries. Cette frégate étoit partie le 3 avril pour Pondichéry, elle y a passé M. le vicomte de Souillac qui m’a laissé en partant les dispositions qu’il avoit fait pour faire passer le régiment de Bourbon dans l’Inde sur le vaisseau le Brillant et la flûte l’Osterlaÿ: pour remplir leur mission, j’ai accéléré les travaux que l’on faisoit à ses vaisseaux, ils ne seront prêts à partir qu’à la fin du mois. Je ferai travailler ensuite au radoub et à la carène indispensable, de l’Argonaute, de l’Annibal, et de la frégate la Surveillante. Le peu d’ouvriers qu’il ÿ a dans le port rendra les ouvrages à faire très longs; je ne négligerai rien pour remplir le plus tôt possible les ordres que vous me donnez pour mon retour en Europe; je prévois que les radoubs à faire ne me permettront pas de partir avant le mois de septembre prochain. M. de Souillac me propose dans sa lettre de ne laisser qu’un vaisseau avec les frégates et corvettes, et de ramener les trois autres qui seront suffisants pour passer le régiment d’Austrasie. Je suivrai ses avis…». La suite concerne sa promotion au grade de chef d’escadre, ainsi que les promotions et distinctions à accorder aux officiers qui ont rendu d’importants services lors de la campagne de l’Inde: «M. Daugas enseigne très ancien qui doit être lieutenant mérite la croix de St Louis. M. de Saint-Laurent enseigne a rempli la place de major et officier chargé du détail général de l’escadre. Depuis mon départ d’Europe il s’en est acquitté avec valeur, zèle et la plus grande intelligence, il a des connaissances bien au-dessus du commun […], je vous demande le grade de lieutenant et la croix de St Louis pour lui et je vous assure qu’il mérite vos bontés…». Le destinataire de cette lettre, Charles Eugène de La Croix, marquis de Castres (1727-1801), avait remplacé Sartine en 1780 au secrétariat d’Etat à la Marine. Il poussa activement les opérations navales en Amérique et dans l’océan Indien, mit en place de grands travaux dans les ports et rationalisa les constructions navales. Cf. Taillemite, Dictionnaire des marins français. Provenance: archives personnelles de Louis-Antoine de Thomassin, comte de Peynier.