‎TARLÉ (E.).‎
‎Talleyrand.‎

‎ Moscou, Editions en langues étrangères, 1958, in-8°, 345 pp, qqs illustrations, index, reliure toile éditeur, jaquette illustrée, bon état‎

Reference : 9829

‎"Le célèbre historien russe E. Tarlé a écrit une biographie de Talleyrand dont la traduction vient d'être publiée à Moscou. Dans le premier chapitre, Tarlé nous explique que le but de son étude a été de montrer pourquoi Talleyrand, issu d'une des familles de la plus vieille noblesse est devenu le diplomate de la classe bourgeoise ascendante, et dans quelle mesure il a modifié les vieilles routines diplomatiques. En fait, passées les premières pages où les principes de la conception marxiste et léniniste de l'histoire sont affirmées avec force, la biographie de Talleyrand par Tarlé ne diffère guère de celle qu'aurait pu écrire un historien consciencieux de n'importe quel pays. Elle se lit aisément, et même agréablement. La base de la documentation est naturellement constituée par les quatre gros volumes de Lacour-Gayet et par l'étude d'Emile Dard, mais Tarlé a fouillé les archives russes et y a trouvé de nombreux documents restés inconnus à ses prédécesseurs. Il s'est servi de ces documents, et c'est ce qui donne à cette biographie sa valeur. Ainsi il montre comment en 1802, les partages territoriaux entre princes allemands furent réglés après entente amiable entre Talleyrand et l'ambassadeur russe à Paris, comte Markov, lui-même d'accord avec le ministre des affaires étrangères, prince Kourakine (pp. 84-85). De nouveaux détails sont apportés sur les conditions dans lesquelles Talleyrand « se vendit » à la Russie en 1809. Tarlé cite en note (pp. 124-125) une lettre de remerciement de Talleyrand à l'empereur Alexandre pour les « bontés » de celui-ci envers l'ancien ministre français. Cette lettre montre que Talleyrand délégua à Pétersbourg un certain M. Dupont qui devait servir d'intermédiaire entre le gouvernement russe et lui. Talleyrand poussa ainsi la Russie à enfreindre le blocus continental, il est donc, dans une certaine mesure, responsable de la campagne de 1812 (pp. 128-129). La partie essentielle de l'ouvrage est consacrée au rôle de Talleyrand dans la première Restauration et au congrès de Vienne. Cette répartition est logique, puisque c'est à Vienne que Talleyrand acquit sa réputation de grand diplomate. Pourtant le rôle de Talleyrand à Paris et à Vienne fut difficile, puisqu'il dut y lutter contre Alexandre dont il avait été peu de temps auparavant l'espion à gages (pp. 184-185). A Vienne d'ailleurs Talleyrand ne renonça pas à ses concussions. C'est ainsi qu'il extorqua – voilà encore une révélation des archives russes – un « pot-de-vin » au roi Ferdinand de Naples pour avoir travaillé à sa restauration, alors qu'en fait le congrès avait déjà pris, hors de Tallevrand, la décision de le restaurer (pp. 237- 238). Le livre se termine par une intéressante revue des jugements portés par les contemporains et par les historiens sur Tallevrand. Tarlé montre comment et pourquoi s'est formée une « légende » de Tallevrand : on a voulu voir en lui l'homme qui a empêché le démembrement de la France en 1814 et en 1815 : en fait, selon Tarlé, c'est le tsar Alexandre et aussi le gouvernement anglais, qui dans le souci de maintenir l'équilibre européen ont empêché l'Autriche et la Prusse d'annexer l'Alsace, la Lorraine et peut-être d'autres provinces françaises..." (Jacques Godechot, Annales historiques de la Révolution française, 1961) ‎